<
www.supramental-astrologie.fr - Le site de Natarajan



1/ Le point de départ, le principe de plaisir contre celui de la réalité.



Maintenant que nous avons établi la possibilité de faire des diagnostics précis sur l'usage du mental grâce à la configuration fournie par le moment de naissance, avec ses points qui sont autant de focus de l'énergie universelle subdivisée en fonctions, nous devons déjà en revenir à ce qui justifie notre démarche, et insister sur son caractère universel. Toute notre action ne repose que sur un seul prédicat. L'homme est en quelque sorte « fabriqué » pour préférer le principe de plaisir au principe de réalité. Cette vérité avait tout d'abord été établie par Bouddha, qui a inventé les mesures nécessaires pour faire basculer le sujet de l'emprise du désir à celle de la réalité, complète, qui contient distraitement notre propre existence. Se libérer de la peur, premier axiome de la doctrine, revient à pousser la fonction lunaire dans ses retranchements, comprendre que l'émotion n'est pas une fin en soi, mais un signal de concordance entre le moi et le réel quand elle est positive, joie soudaine, exaltation passagère, et un signal d'écart entre le moi et le non-moi quand elle fait souffrir. Il va de soi que la fonction lunaire exagère le rôle de l'émotion, comme si elle était légitime par principe, alors que nombre d'entre elles sont hétérogènes et qu'elles font souffrir, si leur véritable cause n'est pas davantage détectée que leur but. 

Le seul caractère à retenir de l'émotion, c'est qu'elle est intempestive. Si cela va de soi pour les négatives, il faut l'établir aussi pour les positives, celles que nous tâchons de reproduire. Un échange sexuel, par exemple, ne donne pas systématiquement les mêmes satisfactions, l'un des partenaires peut, sans savoir pourquoi, moins apprécier un moment dévolu à remplir son existence d'un plaisir inégalé. Il est nécessaire de rappeler sans cesse que la lune est le garant de notre relation au monde, qu'elle nous impose de nombreuses déceptions dans notre corps même, ce qui évite de les escamoter par le mental, quand la douleur attire l'attention sur un acte manqué. Par définition, puisque la fonction lunaire amène des événements hétérogènes, elle ne peut pas s'intégrer facilement. C'est donc au moi essentiel de s'adapter à ces sortes de « ruptures de contrat» que sont les émotions incontrôlables, et qui nous démontrent la souveraineté du Réel face à nos petites manœuvres de capture du gratifiant, et d'évitement du dérangeant. Accepter les impressions douloureuses et les comprendre, au lieu de s'en plaindre en boucle, est donc nécessaire pour en tirer la leçon évolutive, et c'est là le sens de l'adaptation spirituelle enseignée par Bouddha. 

Le second axiome de sa doctrine est de se libérer du désir, et il est aussi important que le premier, les deux constituant une unité. Or, sur ce point aussi, tous les sagesses préconisent de se libérer du désir qui, par nature, renchérit le besoin. La distinction à faire entre les deux constitue une ascèse que nous retrouvons dans toutes les investigations de l'âme charnelle. La nutrition doit obéir au besoin, mais sans une attention particulière, le plaisir de manger l'emporte, et, si c'est facile de se procurer de nombreux aliments, on mange systématiquement beaucoup trop, comme l'activité érotique peut être excessive, à cause des facilités contemporaines et éloigner de l'amour au lieu d'y conduire. Même la fonction intellectuelle, chauffée à blanc, participe davantage du désir pour certains, que du besoin d'organiser par la pensée des représentations utiles. Dans presque tous les domaines, le principe de plaisir fonctionne avec une marge de manœuvre démesurée, qui explique à elle seule la majorité des problèmes de notre espèce, puisque le désir parvient même à vivre pour lui-même sans tenir compte des besoins qu'il devrait se contenter de servir. 

Et si l'on s'accorde sur le principe que ce sont les besoins qui doivent être assouvis, et non les foules de désir qui l'accompagnent, il va de soi que nous tombons abruptement sur la sagesse des nations, la morale, l'éthique, la vision philosophique de la nécessité d'abolir les passions, ou bien — c'est parfois la meilleure solution, les laisser obtenir le minimum vital prévu par la nature. Il est possible de sentir le désir se manifester depuis le corps, et non depuis l'énergie vitale, il est alors sain, et fournit les réponses nécessaires pour gérer l'énergie de vie, qui a besoin de quelques satisfactions basiques. Alors, bien entendu, la sexualité devient plus économe, la nourriture plus saine, tandis que les ambitions jupitériennes, moins soutenues dorénavant par Mars, comme les poursuites du profit, de la notoriété et du pouvoir, peuvent laisser la place à d'autres types de satisfactions. Nous devons toujours avoir à l'idée que les fonctions psychologiques peuvent s'épauler à notre corps défendant quand elles dépendent de l'ego centralisateur et de l'amalgame naturel des pouvoirs qu'il soumet.

La fonction de Mars est remise en cause dans les doctrines spirituelles, puisqu'elle est, d'une façon ou d'une autre, un désir de. L'objet est infiniment variable, et va du désir de courir de l'enfant en bas âge au désir de préserver — par tous les moyens possibles, l'intégrité du corps physique, ce qui donne lieu le cas échéant à un recours inconditionnel à la violence. Le désir sexuel occupe une place privilégiée dans la gamme de l'élan vers, inconditionnel, que représente Mars. 

Il s'agit donc de se représenter la réorientation gravitationnelle comme un moyen de mesurer ce qui se passe en nous-mêmes pour rejoindre la dynamique divine du moment de naissance, afin de voir les tenants et les aboutissants, aussi bien des forces que des faiblesses puisque c'est la même énergie qui est force d'un côté et faiblesse de l'autre, la faiblesse étant la perversion d'une force. Cette perversion découle de trois dérivations possibles,  

l'autarcie, si la liaison de la fonction avec d'autres forces est rompue ou absente,
la dilution, si son essence se corrompt dans un mélange (probabilité pour certains carrés et nombre conjonctions)
sa concentration excessive, soit le passage de l'intégrité à l'intégrisme, qui peut transformer les fonctions psychologiques en de véritables tyrans.

(Dominante sur un Angle, par exemple, ou amalgame de trois fonctions en conjonction étroite). Ces trois types de déviations sont largement suffisantes pour comprendre que l'être humain « fait face » à la réalité en l'interprétant d'une manière erronée, dans les secteurs concernés par une turbulence énergétique naturelle, inscrite dans le vortex de l'énergie du moment de naissance. Par la magie de la nature créatrice, Maya, les déviations se présentent spontanément comme des modes d'adaptation propices pour répondre à une réalité changeante et singulière. Elles ne sont la plupart du temps que des réflexes de survie peu inspirés, bricolés, qui permettent de sauver la face et donnent le change provisoirement, mais ces sortes de mesures empiriques et approximatives se reproduisent facilement dans la suite des mêmes circonstances et se renforcent ainsi des biais d'interprétation préconçus des événements, appelant toujours les mêmes réponses. Ces biais portent des noms en sanskrit, ils peuvent être assez puissants pour laisser des traces dites karmiques, qui viendront poser des conflits au moi, divisé entre des réponses en compétition face à certains problèmes, étant donné que le logiciel de la naissance présente possède en principe une force supérieure aux rémanences actives des vies passées.

Les déviations des pouvoirs planétaires permettent à la nature de tirer son épingle du jeu, et nous ne sommes donc pas partisans de jeter la pierre à ceux qui en sont les victimes ou les organisateurs, mais nous voulons proposer en quelque sorte une résistance radicale à l'ensemble des mouvements compromettants qui pervertissent la fonction cosmique en jeu quand les circonstances perturbent le moi. Idéalement, nous acceptons tous les types de réalité terrestre et nous ne chercherons plus, comme par le passé, à éliminer les fonctions difficiles à gérer, comme la lune et Mars en particulier. Nous acceptons intégralement Mars, symbole universel de la nécessité de l'opposition et du conflit, moteur des moteurs selon Héraclite quand il dit que Polemos est le père de tout. Oui, le monde est divisé, tout est divisé, et il n'y a donc d'autre recours que le combat pour retrouver l'unité. Le vrai guerrier devrait pouvoir combattre sans avoir besoin de la haine pour faire son office ni se sentir coupable d'un autre côté, une allusion discrète que l'on trouve dans la Gîtâ, quand Arjuna hésite, et que Krishna lui dit qu'Il a déjà Lui-même tué ses adversaires, et qu'il n'est que l'arme physique employée. Ainsi, nous pouvons renverser les rôles, et faire de Mars le diviseur le pacificateur, à condition de l'employer correctement, pour ne pas dire divinement. Mars peut être au service de Saturne, la loi à respecter, ce qui est précisément le cas dans la guîtâ, qui fait prévaloir des principes cosmiques et divins à défendre sur le terrain de jeu du samsarâ. Bien que nous puissions rêver d'une époque où le pacifisme à travers la diplomatie l'emporterait sur les affrontements, pour le moment les guerres justes et injustes ont toujours témoigné de la puissance de l'alliance Saturne/Mars, rejetant Vénus et les vibrations supérieures de Jupiter. Mais si Saturne et Mars parviennent parfois à faire bon ménage, nous devons cependant reconnaître leurs différences qui en font des adversaires dans le jeu de la Manifestation, Saturne travaillant pour le long terme au contraire de Mars, sous l'emprise du présent événementiel. 

Chaque être humain vit le conflit du carré originel Saturne/Mars, la guerre entre le devoir et l'envie, entre la contrainte et le mouvement libre et spontané. Bien qu'en carré plutôt qu'en opposition, le Capricorne et le Bélier sont purement antagonistes. Le Capricorne évoque la préservation, la consolidation, le tri, alors que le Bélier, tout feu tout flamme, évoque la pulsion, le désir, l'élan, l'immédiat comme seule ressource. A ce propos, une étude montre que les enfants qui renoncent à déguster illico presto une friandise en vue d'une récompense ultérieure, réussissent mieux à l'école, ce qui veut bien dire que l'adaptation à la réalité par la structure plutôt que par la forme est supérieure. Savoir se priver en fonction de gains supérieurs à obtenir plus tard demande une opération intellectuelle que seule une minorité accomplit. La plupart préfèrera sauter sur l'occasion de déguster un bonbon immédiatement, plutôt que calculer un gain en s'en privant. Nous voilà donc précipités par cet exemple dans la substance même du réel (et de la doctrine de Bouddha).

Non, ce qui se présente n'a pas à faire la loi, ce serait donner libre cours aux fonctions lunaire et martienne, totalement envoûtées par l'immédiateté et la servant aveuglément par nature, comme si le présent était détaché du passé fécond qui veut survivre et du futur évolutif qui ne pourra s'appuyer que sur le discernement, les envies ou les répulsions, les craintes ou les attentes ne constituant pas des guides compétents. Certains aspects planétaires illustrent les modes primaires d'expression de la lune, la peur, et du désir, Mars, car ce sont là les deux puissances qui manifestent en nous la plus grande part des émotions de base réflexes, bien différentes de l'émotion esthétique que Vénus peut suggérer. Lune et Mars nous renvoient donc aux fondations les plus tangibles, les plus matérielles de notre psychologie — là où la conscience anime nos éléments les plus matériels, les plus archaïques, dans une sorte de sommeil. « Peur » donne sur fuite, fuite des responsabilités par extension, lâcheté, mensonge par la crainte, et enfin déni du réel pour éviter une situation, nier qu'elle concerne. 

Les Anciens accordaient à la lune la seconde place dans la hiérarchie de l'interprétation (après l'Ascendant), car elle constitue le corps après lui le plus affecté par sa situation en signe. La position lunaire projette dans le subconscient la puissance de la planète maîtresse de son signe à un degré quelconque à mesurer, ce qui donne des caractères difficiles aux personnes dont la lune, socle le plus matériel du Yin, se trouve en terrain yang. En Bélier et Scorpion (réactivité, susceptibilité), la sensibilité subit le tiraillement et tend à s'opposer facilement, tandis qu'en Capricorne la lune peut carrément empêcher le sujet de se voir lui-même avec objectivité — son émotivité étant en quelque sorte rendue cérébrale et indistincte de son esprit. La lune en Gémeaux et Vierge permet un rapport spontané à la culture, à laquelle il sera facile de s'identifier, tandis qu'en Lion elle rend trop sensible à ce que l'on représente pour les autres. En Taureau, il est remarquable qu'elle fait aimer l'immanence inconditionnellement, et nous voyons bien que, où qu'elle soit, sa position est à double-tranchant. En domicile en Cancer, elle peut enfermer le sujet dans une politique sécuritaire fermée, à moins qu'il ne développe le lâcher prise, qui donnera alors à la position lunaire un pouvoir privilégié, celui de ressentir les énergies cachées. La lune en Balance fait projeter des attentes inconsidérées sur les autres, jusqu'à renvoyer le sujet, déçu, à lui-même. En Sagittaire, il est probable qu'elle procure un intérêt profond pour le monde social et soutienne le rôle qu'on veut y jouer. En Verseau, elle est naturellement en retrait, et en Poissons, elle peut faire développer des qualités d'identification à double-tranchant — le sentimentalisme, l'apitoiement stérile ou l'empathie. 

Ce serait donc une erreur de s'imaginer que certaines positions sont favorables par elles-mêmes, puisque, même si c'est le cas, le développement outrancier de la fonction en question menacera l'équilibre du thème, ce qui ne se ressentira que lors des transits puissants, demandant au sujet un nouvel emploi de son énergie de naissance, qui ne cesse de changer, soit en évoluant par la conscience, soit en stagnant dans des modalités répétitives qui finiront par étouffer tout potentiel. Ainsi, quand la planète maîtresse du signe solaire l'accompagne, une concentration d'énergie s'effectue qui, sous des apparences favorables, peut s'avérer néfaste en avançant en âge, puisque nous devons parcourir notre thème pour devenir conscients de nos possibilités spirituelles et créatives. Un soleil Bélier avec Mars en Bélier devra nécessairement découvrir les vraies qualités du yin, à l'opposé de sa nature, comme un soleil Cancer avec la lune en Cancer, devra apprendre à prendre des décisions de l'intérieur, sans les fonder sur une simple réaction au monde extérieur, soit s'ouvrir à la légitimité de Saturne, ce qui sera pénible au début. Les Capricorne avec Saturne dans leur signe manquent systématiquement d'ouverture, tant ils sont amoureux de la structuration, et souvent, craintifs devant les pouvoirs de la sensibilité, et il leur revient d'apprendre à ne plus avoir peur de ne pas maîtriser l'immédiat. Jupiter en Sagittaire, accompagné du soleil, pousse à une très belle reconnaissance des ressources du non-Moi, mais rien ne dit que le sujet ait vraiment besoin d'un retour sur soi, tant il sait s'alimenter dans le monde extérieur, y trouvant toujours des bénéfices. Quand Mercure est dans un signe solaire mercurien, ce qui est très fréquent puisqu'il ne s'éloigne pas de l'astre du jour, le sujet doit désapprendre à penser. Les Gémeaux et les Vierge qui possèdent Mercure dans leur signe, peinent, d'une façon générale, à dissocier le réel de sa représentation, ce qui peut aussi bien donner des génies capables de créer des systèmes philosophiques que des personnes incapables de comprendre l'enjeu de l'incarnation, qui est concret, stratégique, et physique. L'aller mental, qui consiste à créer des idées, n'a aucun sens sans le retour, qui consiste à les appliquer, et c'est bien sur ce chapitre que les mercuriens peinent (comme tout le monde il est vrai), car la pensée possède une telle autonomie qu'elle trouve toutes sortes de stratagèmes pour éviter de se confronter aux faits qui menacent son complexe de toute-puissance.

Bien sûr, il ne s'agit là que de probabilités et non pas de règles, mais les hypothèses ne peuvent pas nuire au diagnostic, si elles sont conçues intuitivement selon la loi des combinaisons de forces qu'exprime la souveraineté de la planète maîtresse s'emparant d'une fonction subjective située sur son territoire. L'influence du signe sur la fonction, sur la planète ou le luminaire, perd de sa puissance proportionnellement à la lenteur des corps en mouvement. Nous pouvons donc considérer que c'est la lune, juste après l'ascendant, qui est la plus imprégnée de la valeur du signe qu'elle occupe, avec cette hypothèse d'une action souterraine de la planète maîtresse qui débordera du cadre conscient qui lui est propre et s'imposera à travers des revendications émotionnelles ou des « survivances dynamiques ». Mercure est orienté dans une large mesure par sa planète maîtresse, mais, contrairement à l'opinion répandue, sa place en domicile (Gémeaux et Vierge) n'avantage pas le sujet, qui tablera trop sur le mental pour percevoir la réalité, au risque naturellement de manquer de sensibilité, d'empathie, le ressenti s'enroulant systématiquement autour d'un axe intellectuel. Vénus est elle aussi colorée par son signe dans une proportion non négligeable, comme Mars. Mais à partir de Jupiter, l'interprétation en Maison l'emporte et l'on peut même n'interpréter l'usage des planètes lentes que par rapport à leur exercice cyclique en Maisons.

Si nous dérivons « le désir » vers d'autres signifiants dont il est la source, nous trouvons l'envie, la convoitise, la concupiscence si Vénus s'en mêle, mais la violence, le viol, l'intimidation et la menace en vue d'obtenir, participent aussi de l'énergie martienne soutenue par Saturne, Uranus ou Pluton. Il y a une certaine distance entre la pulsion et le désir, qui lui, peut être constructif, mais, dans la substance martienne, les deux choses ne sont pas foncièrement séparées. Les événements hétérogènes peuvent faire surgir les pulsions plutôt que les désirs sains, soutenus par Vénus. Il va de soi également que la frustration et l'inhibition renvoient elles aussi, en creux en quelque sorte, à Mars, aussi faut-il comprendre son registre qui est en partie analogue au fameux rajas de la nomenclature hindoue. La jalousie et le dépit, qui rendent compte de l'objet du désir qui se dérobe, sont des survivances dynamiques martiennes, susceptibles d'être accentuées par d'autres pouvoirs du thème, le complexe d'abandon vénusien pour le sujet qui manque d'estime et d'amour, tandis que le Saturne générique, celui auquel l'individu ne s'est pas encore attaqué, génère allègrement la légitimité de la vengeance à accomplir, ou concocte du ressentiment.

Nous pouvons également appréhender Mars au niveau psychologique conscient, qui succède au plan biologique, comme un besoin inconditionnel d'affirmation de soi, qui sera donc plus ou moins guidé — avec ou sans bonheur, par la planète maîtresse du signe où il tombe. Bien que certains astrologues placent la volonté dans la fonction martienne, il nous semble que l'affirmation de soi convient mieux, tandis que la volonté reste un concept dangereux à manier, car c'est une affirmation de soi consciente, qui dépendra donc du soleil, de Saturne et de Jupiter, et visera des objets déjà conceptualisés — des projets, alors que l'affirmation de soi est d'abord un mouvement inconditionnel teinté de pulsions émotives, et qui peut utiliser de nombreuses formes pour se manifester. Formes en rapport avec l'inconscient, comme la provocation, la réaction, la transgression, qui conviennent à Mars dans sa poussée incoercible, alors qu'une affirmation dirigée est nécessairement soutenue par le soleil, l'ego centralisateur conscient.

Nous devons donc nous habituer à voir les énergies comme des couleurs qui possèdent plusieurs nuances de base qui déclinent les formes possibles de leur manifestation. Il s'ensuit donc des arborescences parfaitement homogènes, que nous pouvons résumer ainsi: Le rouge revient à Mars, l'or au soleil, le noir à Saturne, le pourpre à Jupiter, l'argenté à Mercure. L'indigo est attribué à Neptune, le bleu électrique convient à Uranus, seule Vénus, représentant aussi l'imagination (chez les Perses de l'apogée de Bagdad), semble pouvoir se parer de plusieurs teintes pour attirer et séduire, le rose, l'orangé, le fuschia, le turquoise... Mais il ne s'agit là que d'analogies pour rappeler que les principes, concentrés, finissent dans la Manifestation par se présenter sous de multiples formes qui les délayent. Des degrés, des nuances, se dégagent, à condition que nous parvenions à établir un ordre hiérarchique clair. La lune est trop plastique pour posséder sa propre couleur, elle se teinte donc de celle de la planète plus lourde avec laquelle elle est en relation et de celle de sa planète maîtresse. En carré, le mélange ne s'effectue pas correctement, ce qui revient à dire que la déformation de la fonction est certaine: le moi émotionnel ne saura pas traiter la force qu'il reçoit à travers cet angle. Comme nous nous promenons dans l'infiniment subtile matière de l'esprit, qui n'a pas été explorée en entier, aucune nomenclature fiable ne regroupe pour le moment les états d'âme, les humeurs (moods) et les émotions générées par chaque pouvoir planétaire. 

DRESSER UNE CARTE COHERENTE DU FONCTIONNEMENTPSYCHOLOGIQUE. 

Comme les alchimistes, nous postulons qu'en identifiant les matières premières du moi, nous pouvons commencer le travail de leur transformation, tandis que si nous ne distinguons pas dans l'ensemble de notre être ses matériaux fondateurs, le caractère reste une sorte de masse indistincte que nous ne savons pas par quel bout prendre. C'est à l'astrologie humaniste que nous devons une équivalence correcte entre les fonctions psychologiques et les corps du système solaire, alors qu'avant cette avancée, le septénaire alchimique (de la lune à Saturne en comprenant le soleil) s'appréhendait principalement comme générateur de faits objectifs. Le gain revenait à Jupiter, la perte à Saturne, l'accident à Mars, la chance à Vénus. La valeur de la lune était qualifiée par sa Maison, tandis que l'Ascendant était censé prédisposer à une utilisation favorable de sa planète maîtresse, — qu'on le veuille ou non, une sorte de talent naturel imprescriptible. Le soleil n'était pas interprété outre mesure, mais l'influence de son élément était quand même soulignée. 

L'astrologie humaniste a déplacé les déterminations en les posant à l'intérieur du moi, et depuis, les astrologues éveillés reconstruisent la « personnalité » des pouvoirs planétaires pour les voir tels des acteurs en nous, et non pas seulement comme de puissants leviers extérieurs provoquant des événements propres à leur juridiction. Les Maisons indiquent donc un mélange entre l'action intérieure et l'action extérieure des énergies, ce qui explique certaines combinaisons difficiles. La conscience intérieure d'une fonction alchimique peut être présente dans le moi sans pour autant attirer des événements favorables, si elle se trouve dans une Maison qui ne convient pas à son expression (toute fonction est dangereuse en 8. Elle est sournoise, ou source de sabotage en 12, tandis qu'en 5 elle jouit d'une grande liberté d'expression, aventureuse et même parfois chaotique, et qu'en 6, elle ne donnera le meilleur d'elle-même qu'à travers le mérite. La Maison 2 attire la fonction vers le concret, alors qu'elle la disperse dans le présent en 3. La Maison 9 devrait permettre un usage spirituel de la fonction, tandis qu'en 11, elle se doit de tenir compte de l'avenir pour se projeter.)

Quant aux signifiants trans-saturniens, aucune Maison n'est faite pour les accueillir à bras ouverts, et la maîtrise d'Uranus pour le Verseau et de Neptune pour les Poissons prédisposent plutôt ces deux signes à se tourner vers les choses nouvelles et élevées qu'à les vivre facilement. 


A/ Le Zodiaque, athanor de la conscience.



Toutes les tendances du septénaire, combinées, peuvent être ramenées à leur « sel »,  

à la substance pure que rien ne corrompra,

ni l'excès d'humidité qui dilue et fait moisir (lune Vénus Jupiter Neptune) ni l'excès de sècheresse qui pourrait les rendre stériles ou les couper des autres fonctions (soleil, Mars, Saturne, Uranus).

La pierre philosophale peut ainsi être comparée au soleil triomphant des antagonismes du yin/yang en réconciliant les deux axes du septénaire dans un nouvel équilibre homéostatique, où les émotions seront moins déterminantes ( allègement de lune et Mars) et les représentations moins rigides et en perpétuelle métamorphose (transformation de Mercure, Jupiter et surtout Saturne). La pierre ne se trouvera qu'au terme d'une rectification du mouvement naturel de l'esprit,

rivé à l'immédiat par Lune et Mars,

rivé à l'intemporalité idéale par Vénus et Mercure,

rivé au nécessaire par Jupiter et Saturne

rivé à l'image de soi et à l'identité par le soleil.

L'esprit du présent change de juridiction selon ce qui advient et ses déplacements posent des problèmes aux fonctions concernées les moins intégrées. Enfin, le moi peut être a contrario rivé au fatum et à la répétition stérile par le nœud sud, la lune noire, et Kiron si la blessure de l'âme ne guérit pas, tandis qu'il faut garder à l'esprit que des répétitions nocives, transgénérationnelles, peuvent elles aussi affecter le fonctionnement (accent sur les aspects entre les Maisons 12 et 4). 

Voilà donc le terrain de jeu de l'incarnation, un tel empilement de contraintes qu'il est facile de comprendre que le mental craigne de s'y confronter, puisqu'il tend à s'imaginer libre (Mercure et Vénus), à vouloir être libre (soleil tiré par Uranus et Pluton) et sans limites (soleil tiré par Neptune). Mais avant la démarche alchimique, nous ne faisons que couronner des milliers de procédures automatiques emboîtées les unes dans les autres. Les programmes génétiques, en tout cas certains d'entre eux, agissent en-dehors de la juridiction du libre arbitre, comme cela s'avère avec des maladies graves qui ne surviennent souvent qu'à l'âge de quarante ans. Les dysfonctionnements bénins ou malins peuvent être induits par des répliques involontaires d'affects appartenant aux ancêtres, bien que nous ne sachions pas où localiser ces survivances dynamiques pour le moment. 

Dans le cadre de notre inscription cosmique dans le cycle du système solaire, les « transits » apportent parfois par eux-mêmes des bouleversements insondables, que l'individu ne souhaitait pas. Nous sommes donc bel et bien incarcérés dans le cycle cosmique des planètes, en parfaite analogie avec nos fonctions mentales d'identification ou de différenciation, représentées par l'équilibre pyramidal, soleil/lune, Mars/Vénus, Saturne/Jupiter, Uranus/Neptune, ce à quoi nous pouvons ajouter la dualité Nœud Sud Nœud Nord. Dans le cadre d'une vision de l'être psychique revêtant de nombreuses fois l'habit biologique de l'incarnation, nous devons également proposer un biais efficace pour permettre à l'esprit de réintégrer l'esprit holistique du moment de naissance.

A ce titre, tous les mouvements mécaniques qui déferlent dans la Maison Sud doivent être réexaminés, car c'est là que la puissance du karma continue sa route, aussi s'agit-il d'amener le sujet à prendre en compte les exigences de la Maison du Noeud Nord, quelles que soient les difficultés à les reconnaître, tout en utilisant la compétence acquise dans le Noeud Sud, dont la planète maîtresse doit maintenant s'exercer dans le signe opposé pour seconder la planète Maîtresse du Noeud nord. Il est même probable que sans la réappropriation de ce secteur, les travaux « alchimiques » exécutés ailleurs finissent par plafonner jusqu'à ce que des difficultés essentielles soient repérées dans la gestion chaotique ou fantaisiste de cette Maison du Noeud sud, dans laquelle le passé s'est installé en toute légitimité. Nous resterons guidés par l'hypothèse que l'énergie du présent doit se déverser dans tous les secteurs du thème pour en permettre la transformation. Aussi nous faut-il repérer les zones « stagnantes » qui bloquent le circuit transformateur du présent. Autrement dit, nous sommes parfois encore dans le passé dans certaines Maisons, et la force d'inertie ainsi accumulée altère la fonction mercurienne, le système nerveux. Nos souffrances psychiques peuvent en partie provenir d'un écartèlement inconscient de notre être, déplié dans des zones différentes. Une partie de nous vit déjà dans l'avenir, à travers les souhaits et les intentions, le soleil et l'axe des Maisons 5/11, mais une autre partie demeure prisonnière du passé, avec tout ce qui n'a pas été réglé (4/8/12), et cela obstrue le pouvoir divin du présent. Le mouvement des astres nous pousse en avant, et fera apparaître des boulets. La maison 3 fonde la suprématie du présent, mais il est nécessaire de considérer malgré tout qu'il doit mener à un avenir d'accomplissement, ce qui est suggéré par la Maison 9 (Orienter les planètes maîtresses de la 3 et de la 9 dans la même direction est donc une nécessité dharmique).

Cet axe est difficile à incarner, car en toute logique, les instances qui se manifestent en 3 ne doivent pas contrarier celles qui occupent la Maison 9, et réciproquement. Si cela demeure vrai pour tous les axes finalement, c'est dans ce dernier que l'enjeu est le plus tangible, puisque c'est la maison 9 qui fonde le statut spirituel de l'être humain. Sa planète maîtresse doit être libérée des emprises d'autres pouvoirs, pour éviter d'un côté l'imitation et de l'autre l'avancée chaotique. 

Nul ne sait comment « il prendra le virage » d'un transit de Saturne sur le soleil par exemple, ou un passage de Pluton sur Mars, ou encore un flirt entre l'Uranus du Ciel du moment et la Vénus natale qui se rejoignent au même degré. La pratique montre que certaines femmes tombent en dépression sans raison apparente lors d'un transit de Saturne sur la lune natale, ou qu'il est possible de perdre beaucoup de choses d'un seul coup lors d'un transit de Pluton sur Mars, tandis qu'Uranus sur Vénus provoque souvent des ruptures sentimentales. Il est pour nous plus plausible de ne voir que des déclencheurs dans les transits, qui amènent un approfondissement nécessaire de la structure perceptive désorientée. Les crises sous-jacentes attendaient le signal que constituera le passage dans le ciel d'une planète sur une fonction, et la Maison transitée devient le cadre d'une reconstruction holistique de la personnalité. Si Pluton provoque parfois des accidents d'apprence injustes, un profond travail de conscience permet de récupérer le préjudice immérité par la résilience, ce qui soutient le dharma. Les crises que les transits amènent à la surface témoignent d'une nouvelle position à prendre entre des invariants qui ne vont pas dans la même direction, et que nous allons donc énoncer pour esquisser la carte du territoire où l'esprit navigue et décide des directions à prendre (décisions).

Sans la pratique alchimique, nous sommes conduits par les événements qui excitent notre esprit, et il s'ensuit que notre « caractère » s'adapte plus ou moins facilement à ce qui se produit, mais rien ne dit que nous puissions changer le cours répétitif des événements, alors que si la conscience intérieure des pouvoirs planétaires grandit, la fonction psychologique qui leur correspond fera face d'une manière éclairée aux événements de leur registre, et sera capable d'utiliser des critères nouveaux pour décider — le seul moyen d'interrompre la logique du passé révolu. Il s'agit là d'un mouvement de l'esprit universel pour retrouver ses propres racines, que Jung avait pressenti, avec sa notion d'individuation, soit le moyen de se soustraire à la tyrannie des événements et des préjudices qu'ils laissent dans leur sillage quand le moi ne se détache pas de l'âme charnelle, pour laquelle seul le monde contingent existe.

A la lumière du supramental, il apparaît que presque tous les êtres humains développent un complexe de toute-puissance pour avoir accès à l'individualisme, étape préalable à l'individuation — facultative, et c'est ce qui les poussera à rejeter leurs échecs sur des boucs émissaires de toutes sortes, abstraits, institutionnels, ou le plus souvent incarnés par leurs proches. Le transfert de la responsabilité du mal, au sens large, à l'extérieur de soi, est une tare qui caractérise presque toutes les cultures. Se mettre en cause en soi-même est perçu comme une faiblesse par le mental générique le plus ordinaire, ou conditionné par des valeurs socio-culturelles sous l'emprise des « performances ».

Le déficit d'harmonie entre le moi et le non-moi finit par s'avérer quand il augmente, et le premier mouvement sera d'identifier les « coupables » à l'extérieur de soi, alors que dans l'immense majorité des cas, c'est l'attitude personnelle qui est en cause, à travers des « engagements » intimes ou sociaux sans lendemain, mais qui perdurent par habitude, faiblesse ou lâcheté. (Nous avons établi le narcissisme primaire comme donnée générique et il consiste à avoir une foi aveugle dans le pouvoir « magique » de la planète maîtresse du soleil, fonction qui « trouvera le moyen » de ne pas mettre en cause le sujet dans ses échecs, ses fautes et ses faux-pas). Seuls les individus qui suivent leur aspiration spirituelle savent prendre les décisions à temps. Les autres s'enlisent dans des situations convenues et malfaisantes, toujours pour la même raison: l'envoûtement du monde contingent l'emporte sur la reconnaissance des meilleurs potentiels, que rien ne garantit, et qui ne se manifestent pas sans une violente opposition générale aux autres, aux proches manipulateurs, aux promesses fallacieuses des valeurs sociales, politiques, ou religieuses.

Ou bien ils se précipitent dans des situations qui cisaillent leurs racines, car Uranus, Neptune et Pluton peuvent être des ogres pour toute personne manquant de structure intérieure stable. Enfin, la recherche d'un avenir mythique voile le plus souvent les matériaux du présent qui demandent d'être transformés. Le sujet vit alors dans une dualité entretenue entre son être intelligible, toujours ailleurs mais meilleur que l'être incarné soumis à des contraintes dont certaines sont refusées.

SE DÉSIDENTIFIER est le verbe clé, ce qui revient à dire qu'il est inutile de proposer « des solutions» si, dans un premier temps le renoncement conscient au comportement fautif, source d'anxiété, n'a pas été effectué. Nous assignons dans le septénaire le processus de des-identification au Saturne principiel, qui sera soutenu par la percée d'une ou pluieurs des quatre dynamiques évolutives,  

le soleil de l'identité intègre du Moi profond (volonté de conscience dharmique), l'appel d'Uranus le créateur,  

l'appel de Neptune fondant le sujet dans le Tout auquel il consent enfin à se donner, l'appel de Pluton, prêt à payer le prix des transformations nécessaires. 

La « perte » est consentie

quand Saturne est intégré,  

alors qu'elle s'interprète comme une catastrophe, une injustice, une humiliation, une faute, quand le principe saturnien est noyé dans la masse des instances psychologiques. Saturne correspond au plomb en alchimie, et la prise de conscience le transforme en or, symbole du soleil. Le détournement favorable du destin est possible à la condition de développer le purusha, ce témoin des faits existentiels, ce Moi en retrait du moi abouché à l'immédiateté. Epictète tenait le même langage sous une autre forme, et nous pouvons même nous en inspirer. La pratique de la réorientation, ou réintégration gravitationnelle, permet d'identifier ce qui dépend de nous, et ce qui n'en dépend pas, en assignant les fonctions psychologiques à leur Maison, dont le cadre sera visualisé, ce qui permettra, en quelques années seulement, de reconstituer le puzzle du moment de naissance et de le suivre dans sa conformité cosmique. 

Il s'agit là d'une piste « clinique » à explorer, car il est probable que le déficit de conscience d'une fonction dans sa Maison finisse par entraîner des moisissures dans le subconscient, des frustrations, ou encore le sentiment d'être victime (yin) ou celui de ne pas être à la hauteur (yang), alors qu'il ne s'agira que du déplacement malencontreux d'un organe, à remettre à sa place parmi les autres. Il va de soi qu'il est certain que personne ne suit correctement la logique homéostatique inscrite dans le thème natal, puisque l'incarnation nous divise, nous écartèle, et que l'énergie globale qui mène le cours des choses, nous précède et nous dépasse (voir vidéos). Il s'agit donc de reconstituer les relations entre les fonctions psychologiques pour les établir dans un nouvel ordre, celui qui nous arrachera aux ornières du destin et du karma. 

Mercure se libérera de l'emprise de la lune, et, au lieu de toujours prendre en compte les événements pour juger d'une situation, en devenant l'auxiliaire de Saturne, il fera confiance au monde subtil et intemporel de la réflexion logique et structurante. Ce mouvement s'effectue naturellement au cours de l'existence, mais sa progression naturelle est si lente que ce glissement demeure trop partiel pour engendrer une remise en question du caractère, mais, d'une manière générale, les apparences dupent de moins en moins les êtres humains qui avancent en âge — seule compensation à la perte de l'usage facile du corps. Quand c'est le moi lui-même qui change la donne de son interprétation du réel par l'aspiration spirituelle à faire partie consciemment du Tout, il met un terme à la dictature de la nature. Il invite la néguentropie à se manifester, ce qui se traduit immédiatement par deux nouveaux pouvoirs:

percevoir, d'une part, des centaines de messages évolutifs à travers les perceptions ordinaires, maintenant que le verrou qui enfermait Mercure dans la prison lunaire et sublunaire a été brisé,

et percevoir le temps d'une autre manière, avec des incursions dans les dimensions intemporelles, qui donnent le goût de l'immortalité et la présentent comme une hypothèse digne d'intérêt. Si nous sommes des êtres « cosmiques », nous pouvons décider d'agir sur des zones du thème qui resteraient en jachère sans la conscience que nous voulons y induire. Nous devenons responsables du thème entier, et apprenons à le faire fonctionner dans son ensemble, ce qui correspond à l'ancienne conception grecque du « cosmos », de l'ordre souverain qui préside à toute la Manifestation.

La praktiti aime adhérer à tout ce qui se présente de gratifiant, c'est la force de vie incoercible dont l'élan ne faiblit jamais, tandis que le purusha, déjà amoureux de l'immuable et beaucoup moins dupe de la dynamique de la pensée, apprend à se méfier des mouvements pulsionnels, mécaniques, produits de l'extérieur par l'objet qui attire ou de l'intérieur par des habitudes révolues, des complexes ou des mémoires, ou des fantasmes de convoitise. Le purusha sent la valeur de l'immobile car il est lui-même immobile. C'est un état d'esprit que notre société tend à faire disparaître et nous en subirons bientôt les conséquences. Sri Aurobindo a prédit l'effondrement de l'Europe. Mais c'est au moment où l'Histoire s'effondre que la connaissance objective de ce que nous sommes fait des progrès considérables, comme si le bien et le mal si l'on veut, restaient proportionnels.

Distinguer et séparer le purusha de la prakriti est une politique exhaustive, le dénominateur commun à tous les enseignements spirituels. Ce principe est diversement exprimé dans les traditions, il est la clé du taoïsme originel, distinguant le Dao et ses fractales de Të, la force opérative de l'univers toujours en mouvement, et largement en avance sur la perception que nous en avons. Le bouddhisme, en préconisant de remonter de la perception du samsarâ à celle de sunyata dit exactement la même chose, comme Platon juge les Idées indépendantes du mouvement et en fait les leviers de la compréhension de la Manifestation. Le samkhya, auquel Sri Aurobindo rend hommage, stipule que l'esprit entraîné discrimine les gunas, et l'Advaïta établit même que le Soi, une fois intégré, absorbe le samsara... La philosophie idéaliste a posé la nécessité de transformer la vie à partir de positions qu'elle ne fournit pas elle-même, mais qui découlent des déceptions de l'intelligence face au bilan de l'Histoire. En Europe, le mouvement dit « transpersonnel » commence à divulguer cette vérité que la perception est projection sans le travail intime qui mène à l'objectivité, dans le sillage des découvertes de Merleau-Ponty, réduisant l'écart entre la pensée et la sensation qui se chevauchent sans cesse, quelles que soient les catégories qui prétendent les isoler l'une de l'autre, ouvrant ainsi la même brèche que Krishnamurti. Le mental générique projette les structures de la personnalité sur les événements dans une interprétation faussée, dans laquelle nous retrouvons les caractéristiques planétaires,  

la vulnérabilité plaintive lunaire

l'arrogance martienne,

l'attente vénusienne idéale,

la versatilité mercurienne,

l'optimisme irrationnel de Jupiter,

le pessimisme paranoïaque de Saturne,

le complexe de toute-puissance solaire. 


Les trans-saturniennes manifestent elles aussi des matériaux archaïques, la transgression uranienne allergique à toute autorité, la noyade neptunienne dans les dépendances et le déni des responsabilités, l'obsession psychotique du contrôle ou du pouvoir plutonienne. Une lune noire puissante peut créer de toutes pièces un moi en retrait des circonstances, incapable de les interpréter, et qui cherche sans succès l'identité du sujet. Nous en revenons donc toujours aux mêmes opérations alchimiques, extraire Mercure des autres pouvoirs auxquels il se mélange confusément, l'isoler, et le conjoindre au soleil en passant par Saturne qui le soustraira aux puissances coagulées de la materia prima,  Lune et Mars,  ces forces dramatisantes, ces souverains incoercibles qui interdisent toutes les dimensions autres que celles qui composent le monde biologique et contingent. Mais le vrai purusha est libre de la succession du temps ! Il peut ainsi « récupérer » le passé défectueux par de nombreuses prises de position nouvelles, le pardon, le repentir ou pardon à soi-même, la résilience, à travers la compréhension exhaustive des causes toxiques à ne pas reproduire. 



B/ CARTE DES ANTAGONISMES INVARIANTS ET LEURS CORRESPONDANCES ASTROLOGIQUES.



Toute existence est soumise: 


à la pression de l'immédiat (lune) 

à la pression du désir (Mars) 

à la pression de la pensée (Mercure) 

à la pression de l'imaginaire et de l'idéal (Vénus) 

à la pression du cadre écologique, quid de la place dans le milieu (Jupiter) 

à la pression du Nécessaire (Saturne) 

à la pression de l'image de soi et de l'identité (soleil) 

Bien sûr, la question essentielle demeure posée, comment pouvons-nous rester homogènes au sein de cette répartition qui nous cloue sur les six axes des antagonismes du Zodiaque? L'instinct et la raison passent leur temps chez le notaire à établir des compromis, à se partager l'emploi du temps, à s'arracher notre consentement. Sur un autre plan, certaines fonctions cherchent à pérenniser le passé et d'autres s'ouvrent à l'inconnu, au nom du futur et, parfois, le présent est écrasé entre les deux. Nous sommes au centre de toutes ces virtualités. Les prolongements en ligne droite côtoient toutes sortes de bifurcations probables, selon tous les angles possibles qui peuvent modifier la trajectoire en cours. 

Saturne attaque Mars depuis le Capricorne, Mars attaque la lune depuis le Bélier, la lune attaque Vénus et son élan depuis le Cancer conservateur et terre à terre, et Vénus attaque Saturne depuis la Balance, son imagination idéale contrecarrant l'analyse objective des faits dont se prévaut Saturne. 


Le libre arbitre permet certes un certain « pilotage » du navire dans l'océan chaotique du présent, tiré des deux côtés, par le passé où les choses ont déjà eu lieu, et l'avenir où elles n'ont pas encore été jouées. Le libre arbitre ne va pas changer l'orientation du vent, d'une part, et d'autre part, il ne soustrait pas, quelle que soit la qualité du contrôle, de la maîtrise ou même de l'inspiration, à l'occurence de certains événements humiliants ou défavorables d'apparence, absolument subis. Ces événements, avec la souffrance qu'ils impliquent, font remonter les douleurs du passé qui interfèrent avec le jugement, et empêchent les bonnes décisions d'être prises. Autrement dit, sans la pratique de l'alchimie intérieure, les déterminations l'emportent et s'appuient sur le passé pour mener à l'avenir, répétant les mêmes fausses sorties. 

L'alchimiste ne perpétue plus les erreurs du passé, dont les traces négatives dans le subconscient commandent de nouvelles décisions fausses. Il dissout l'origine de ses échecs pour ne plus les perpétuer. 

Le discernement mis en place, il contemplera les déviations « qui lui pendent au nez » et y remédiera. Il se prémunira d'erreurs futures en mesurant le potentiel de fausseté de certaines tendances selon leurs aspects et leur place. Il méditera que toute fonction du septénaire est dangereuse par son autarcie, qui rend sa manifestation aléatoire et sporadique (par exemple une planète sans aspects dans un signe intercepté, qu'il faudra rattacher à l'ensemble, ou une fonction refoulée car son faible coefficient d'action en rend l'usage contre-productif tant qu'elle n'est pas intégrée comme pièce de l'ensemble). De même, il aura compris que toute combinaison tendue entre deux fonctions altère l'essence d'une seule ou même des deux (carré, oppositions à rendre complémentaires, conjonctions dont il faudra séparer l'amalgame). Au fur et à mesure, il renoncera à l'illusion savante d'élire une planète comme le chef de toutes les autres, sous prétexte de rendre homogène le caractère pour le livrer à la jouissance béate de l'égocentrisme. 

Seul le soleil peut commander le char des six fonctions s'il est transformé. L'homogénéité du caractère sera souvent produite par un pouvoir qui soumet tous les autres. Le cas le plus fréquent dans notre société correspond au monopole de Jupiter subordonnant le reste, avec un moi réduit à une identité sociale adaptée et sécuritaire, à laquelle seront sacrifiées d'autres instances. Les séducteurs tablent sur un monopole de Vénus pour vivre dans une homogénéité complaisante, les hommes d'action, les explorateurs et les sportifs de haut niveau misent sur celui de Mars pour se mesurer à leurs limites, les idéologues et les redresseurs de tort laissent Saturne s'emparer du reste, les juristes, et membres des appareils politiques, comme tous les administrateurs haut placés ne jurent que par le développement en eux-mêmes de l'intelligence jupitérienne. Les mercuriens cultivent les représentations tout en s'intéressant au présent, ce sont de bons journalistes, écrivains, essayistes et lanceurs d'alerte. Les Uraniens purs s'opposent à tout et ont le choix entre le génie, la révolution et la délinquance, tandis que les Neptuniens se droguent ou se laissent aller, et que les plutoniens, rongeant leur frein et ne trouvant jamais rien à leur hauteur, complotent ou se détruisent eux-mêmes pour n'avoir de compte à rendre à personne... Les mercuriens excessifs trouvent l'abstrait plus pertinent que le concret et vivent allègrement comme des schizophrènes cartésiens, ayant réponse à tout sans jamais toucher terre. La lune noire puissante peut elle aussi créer un personnage de toutes pièces, en projection permanente, avec l'impossibilité d'accéder aux faits réels à moins qu'ils ne soient entièrement contrôlés. Voilà le tableau qui nous fait comprendre qu'un déséquilibre performant supportera une existence entière — tant que le colossal échec ou l'immense perte ne viendra pas briser l'homéostasie bancale du caractère. Ce principe doit pouvoir s'appliquer aux sociétés monomaniaques, qui enferment le réel dans un cadre rétréci mais maîtrisé, qui un jour devra se transformer ou disparaître.

Par le passé, la culture imposait aux hommes l'emprise de Saturne et de Mars, et aux femmes la double emprise de Vénus et de la lune, mais depuis le dix-neuvième siècle, l'esprit du temps inféode plutôt le genre masculin à Jupiter, grâce au développement économique et aux niveaux secteurs d'activité qui permettent la création d'entreprises, tandis que les femmes découvrent lentement la satisfaction de développer le Saturne intérieur qui les libérera de l'autorité masculine, et le Jupiter social qui peut leur garantir une indépendance financière. Mais, dans le cadre de notre étude, qui soulève la question du développement optimal de la conscience dans l'être humain, nous préconisons l'intégration harmonieuse de tous les pouvoirs psychologiques, la spécialisation ne permettant pas le retour au Soi qui est tout sauf exclusif. 

L'apparition du mental n'amenuise pas suffisamment, ipso facto, le pouvoir de la prakriti, pour permettre une évolution naturelle de l'espèce. L'Histoire sépare automatiquement au cours des millénaires, les partisans du purusha, qui veulent évoluer, des partisans de la prakriti, qui se contentent des offres de la nature, saisissent qu'elle est amorale, et qui ne s'embarrassent pas de scrupules. La pensée naturelle, aux antipodes de celle de l'alchimiste, se contente d'interpréter ce qui arrive à l'âme charnelle, automatiquement, sans proposer d'alternative, bien que certains mouvements semblent prometteurs. C'est ainsi que Vénus invente l'Amour, par l'entremise de Mercure, quand elle quitte le simple désir d'être désirée et d'être reliée et qu'elle s'émancipe de la tutelle de Mars (qui la pousserait sans vergogne dans les bras du premier venu). Vénus imagine donc un présent qui se dérobe encore, mais qui est censé être meilleur que celui qui arrive sponte sua, elle se tend donc vers l'avenir pour le charger de remplacer avantageusement le présent empirique. 

Quand Mars laisse de côté la question sexuelle et la préservation intégriste du territoire, Mercure le fonde dans un besoin d'affirmation sain et joueur, une forme de reconnaissance de la qualité divine du mouvement, à laquelle le moi veut s'associer par toutes sortes d'entreprises, teintées d'une certaine audace, ou d'une prise de risque. Mars, par sa nature même et sous toutes ses formes, attaque le guna tamasique, et valorise donc les recherches des mouvements, qui, en revanche, ne seront satisfaisants que si sattwa les dirige. Mais Mercure est bien trop loin, en revanche, de l'émotion pour la cautionner, et sa puissance le déstabilise. Il est chaque fois mis devant le fait accompli, quand le ressenti embarque le moi dans une séquence de négativité quelconque. Il arrive trop tard, il récrimine, le petit vélo fait patiner l'intelligence dans la boue de son impuissance. Grâce à l'alchimie, Mercure peut devancer la lune, lui voler sa place en première ligne, ce qui est presque une définition suffisante du zen. 

Tout ce que Mercure perçoit de la fonction lunaire, c'est qu'elle lui met des bâtons dans les roues, qu'elle lui échappe, et il nomme donc « dramatisation » le phénomène des turbulences qui agitent la personnalité quand le présent la dérange ou l'attaque par quelque préjudice. Seul, il ne sait pas s'en dépêtrer puisqu'il la surplombe tout en rédigeant sa main-courante, tout en définissant la plainte, tout en renchérissant parfois; malheureusement, il ne remonte pas le passé, et il se permet de souffrir à cœur joie, en répétant ce fameux « ça n'aurait jamais dû arriver », que lui souffle Saturne, en le culpabilisant. Mercure devra donc s'appuyer sur la volonté solaire pour dépasser les ruminations, les récriminations que la douleur de la lune lui impose, et exiger de Saturne une position rigoureuse et logique. Dans l'univers, la pensée demeure une « pièce rapportée » sur l'évolution biologique tant qu'elle ne s'effondre pas dans le Soi, ou tant qu'elle n'apprivoise pas complètement l'âme charnelle, ce qui exige de la constance. 

C'est certes une vision radicale, mais elle est partagée par les maîtres. Le pouvoir négatif de l'émotion quand elle ne se dépasse pas, le pouvoir tout aussi négatif de Saturne, quand il demeure ce simple gendarme, cet inquisiteur au service des conventions sociales, ce censeur idiot, ce procureur invétéré des faiblesses des autres, incapable de renverser son pouvoir pour examiner les défaillances et incapacités du moi qui l'abrite, sont des mouvements toxiques. La colère qui mène à la violence caractérise le Mars générique qui préserve avec emphase un sentiment d'intégrité fondé sur les valeurs de l'ego. Les envolées romantiques de Vénus, quand elle s'arrache au réel et se perd dans les emprises qu'elle subit au nom de l'amour, ne sont pas si belles. L'obsession jupitérienne de monter en grade, de plaire aux puissants pour entrer dans leur caste, s'accompagne d'obséquiosité, d'hypocrisie, de compromis aliénants, de corruption passive ou même parfois active...  

« Ma pensée » devra défendre mes intérêts avant toute autre considération. Voilà le programme générique. Nous sommes donc fabriqués pour considérer que notre existence propre, à elle seule, vaut autant que toutes les autres, ce qui s'avère mécaniquement quand les frustrations jaillissent en nous, faisant de l'autre, souvent pour une peccadille, un adversaire, un ennemi, un obstacle... puis une victime si nous laissons agir les survivances dynamiques. Nous devons, dans un premier temps, nous sentir nous-mêmes aussi forts que le reste du monde pour apprécier la vie, et c'est la planète maîtresse du soleil qui garantit ce ressenti égocentrique, dont le rôle sera de nous permettre de nous faire confiance inconditionnellement en surestimant notre pouvoir.

La planète maîtresse de l'ascendant, en revanche, sera l'outil de cette conquête du non-Moi par le moi, et il est donc certain que si l'harmonie manque entre ces deux planètes maîtresses, le moi ne peut pas se construire. Le moi en marche vers son identité, le soleil, ne disposera pas de la force qui garantit que le chemin s'effectue. Les aspects entre ces deux signifiants sont donc primordiaux, et tandis qu'il est probable qu'ils fonctionnent quand même ensemble sans relation apparente, s'ils sont reliés par carré, opposition, sesqui-carrés ou conjonctions, la logique du moment de naissance sera de mettre l'être psychique en demeure de repérer les tensions entre ce qu'il vit et ce qu'il est et d'y remédier.

Toutes sortes de configurations différentes posent elles aussi ce défi, et nous pouvons apprendre à le déceler simplement — toujours de la même manière, en déterminant les orientations antagonistes des pouvoirs planétaires. La lune et Mars sont subjugués par la vie, Vénus est obsédée par la coïncidence à obtenir entre soi et l'autre, Jupiter est ambivalent, il peut rester envoûté ou non par la force de la vie car il aime le mouvement, ou il aimera apprendre et transmettre, l'assimilation étant son dharma. Le retrait, le recul sur les identifications dépend de la volonté solaire qui cherchera à distinguer l'identité... de ce qui lui arrive, par la discrimination mercurienne, soit l'intelligence démystifiant les projections, et par la reconnaissance de Saturne, le besoin de rigueur et d'intégrité orientant le présent, friand de structures à créer pour établir des modèles de comportements tout en menant à l'autorité intérieure, le maître intérieur potentiel. 

Les douze signes du Zodiaque sont donc assignés au narcissisme générique quand ils contiennent le soleil. Nous avons raison de penser ce que nous pensons, nous sommes certains que l'erreur est réservée à l'autre, nous sommes dans la vérité, la réalité se trompe quand elle nous soumet et elle est donc injuste. Nous pouvons contrer cette politique de la prakriti qui nous manipule, et parvenir à ce que la pensée observe vraiment les faits qui nous concernent. Mais le fait désobligeant est en général si mal interprété qu'il n'est pas vraiment vu par Mercure. La nécessité de contrer la projection est devenue le cheval de bataille de centaines de formes de psychothérapie. La projection est donc la déformation du fait réel par les instances psychologiques aux fins de la préservation de l'ego.

La pensée alchimique, ce Mercure qui dissout les concrétions mentales, prévient les projections dès que l'observation de soi ne se déploie plus à partir de la pensée seule, mais à partir d'une conscience du présent en tant que tel, vide d'objets. Si nous interposons entre ce qui advient et le jaillissement de notre pensée le ressenti vibratoire du présent, la vérité surgira dans cet interstice. Le soi impersonnel finit par se manifester et tue l'élan de la pensée projective. Le mental, devenu immobile, laisse l'interprétation des faits se faire à partir de leur pénétration dans l'esprit et les sens, sans les interférences du passé.

Mars est le besoin de s'affirmer en soi, Vénus le besoin de l'idéal en soi, Jupiter le besoin de l'ordre en soi, (harmonie entre le moi et le non-Moi) et Saturne constitue le besoin d'intégrité en soi, ce qui se décline ensuite en éthique, droiture, morale, système conceptuel, obéissance à la loi, et tous les dérivés de cet ordre, jusqu'à l'autorité du maître intérieur.

Ces mouvements survivent à l'effondrement du mental et s'épurent et se combinent quand le soi est atteint définitivement, comme de simples incursions dans l'immuable produisent souvent les vraies réponses aux problèmes contingents. Il faut en quelque sorte sortir du fleuve pour le voir couler, y rester condamne à être emporté par lui.
Le silence mental se coupe de l'emprise des survivances dynamiques propres aux pouvoirs planétaires, et prévient donc les mauvaises décisions dans les époques troubles, pendant lesquelles l'inconscient vient se mêler des solutions, en appliquant des recettes de survie rétrogrades. Mars renonce à la violence, Saturne à l'intimidation et la culpabilisation, Vénus échappe au complexe d'abandon et à la demande d'approbation, Jupiter renonce aux compromissions, la lune à la culture de la plainte, Mercure au déni des faits qu'il pourrait travestir, le soleil à la vanité, l'orgueil et au sentiment de supériorité.

Nous sommes sur la piste de la complexité agissant en fonction d'un seul tout, et nous ne devons jamais abandonner cet arrière-plan si nous voulons pratiquer l'alchimie astrologique, après avoir établi que Mercure peut, par le discernement, découvrir tous les aspects du moi (inventaire des Maisons et validation de l'action du septénaire), que Saturne peut par la logique structurer les prépondérances, que le soleil peut par l'intention transcendante, guider l'ensemble vers une vie nouvelle, ce lieu où le potentiel l'emporte sur l'actuel, le changement sur les habitudes, le message du présent sur les croyances du passé. 

L'univers entier est homéostatique, tous les facteurs qui meuvent le champ du réel s'équilibrent dans une résultante variable, les occasions et les accidents provoquant des émotions qui se présentent au prime abord comme hétérogènes. Une vie humaine normale obéit à une homéostasie régulée par les émotions qui font bouger les lignes des fonctions psychologiques vers davantage d'ouverture quand ce sont des émotions positives et davantage de fermeture quand elles sont négatives. Le moi monte et descend (moods) mais ne lâche pas les identifications au milieu qu'il subit, grâce à une sorte d'élasticité qui lui fait supporter le négatif en s'appuyant sur les survivances dynamiques, telles que la colère, la plainte, la récrimination, le laisser aller, la culpabilité ou la culpabilisation, la demande d'approbation prête à se soumettre, l'intransigeance pure qui isolera le moi des autres.

Une vie d'alchimiste, au contraire, permet de trouver un principe homéostatique supérieur, celui qui permet de se sentir relié à la totalité indivise, un statut beaucoup plus conscient que le seul sentiment de se sentir relié à la vie et à la nature. Aussi, nous faut-il récréer le corps entier des fonctions complémentaires, et comprendre que le mental permet un jeu démesuré entre ces fonctions, bien plus large que les marges de manœuvre des organes du corps matériel. Ce point négligé est capital, et l'un des plus riches qui s'offre à la conscience supramentale quand elle investit la différence entre les mondes subtils et le monde le plus physique... Notre foie ne peut pas tout supporter, alors que notre jupiter mental est beaucoup plus souple, pouvant s'accommoder d'une extrême richesse ou d'une pauvreté patente si celle-ci est consentie. Nos poumons doivent respirer, et après quelques minutes seulement pendant lesquelles ils en auront été empêchés, la mort survient.

En revanche, nous pouvons supporter longtemps, trop longtemps, des étouffements intérieurs avant de somatiser. De même, nos reins tombent vite en panne s'ils sont surchargés ou déchargés et ils nous préviennent rapidement de nos excès alimentaires ou sexuels, mais dans le monde invisible de la pensée astrale, l'élasticité préside, et nous sommes donc déformés par nos interprétations fallacieuses sans que cela ne se traduise immédiatement par la moindre sanction.

C'est ici que la loi du karma fonctionne à plein régime, car nous ne sommes pas avertis quand nous dérogeons aux lois cosmiques, et nous pouvons ainsi engranger des déficits pendant longtemps sans nous en rendre compte. Le système homéostatique de la nature fait quand même son office: toute personnalité supporte de vivre avec des vices patents, des structures nocives pour elle-même ou pour les autres. La vérité que le supramental révèle est bien amère dans le domaine du fonctionnement psychologique: une longue impunité ajourne la prise de conscience de ce qu'entreprend et manifeste le moi de façon défectueuse, que cela soit volontaire ou non. Le subconscient enregistre le film de notre vie à notre insu, et attendra le plus longtemps possible pour nous révéler nos erreurs et nos fautes, nos faux pas et nos perversions, nos lacunes et nos excès.

D'un autre côté, les traumatismes dont nous ne semblons pas responsables et qui sont profonds, peuvent déclencher une maladie, tel le cancer, plus de sept ans après le choc subi. L'oubli permet de dissimuler aussi bien les moments ratés des mauvaises décisions dont nous sommes responsables, que les moments terribles des souffrances imposées. Le principe de douleur est enterré le plus longtemps possible, et seuls des événements analogues le ramènent à la surface. Oublier pour survivre est une des manœuvres les plus rudimentaires de la nature et des plus efficaces, nécessaire pour faire face au présent. (De même, dès la fin de la guerre, une omerta généralisée refusait d'évoquer la Shoah, presque... comme si elle n'avait pas eu lieu, oubli phénoménal que Jankélévitch a évoqué.) Mais le contentieux enfoui ressort un jour ou l'autre, et, que l'on soit ou non responsable d'un passé traumatisant, son retour à la lumière permet de descendre en soi et de rectifier la fonction psychologique à laquelle il est assigné. 

Les blessures narcissiques, solaires, peuvent déboucher sur une nouvelle recherche de l'identité, les blessures affectives, consenties et guéries, libèrent Vénus de l'objet, qui peut alors s'atteler à découvrir l'amour universel. Les humiliations socio-culturelles permettent un recadrage personnel de la complémentarité Saturne/Jupiter, avec une nouvelle conception de la structure de vie et une nouvelle approche du développement des talents dans le monde social. Toutes sortes de pertes permettent de recadrer Saturne, et de le faire parvenir à l'essentiel, en relativisant la valeur des objets perdus, et donc révolus. Les personnes qui soudain perdent la jouissance du mouvement de leur corps peuvent par la résilience renaître et métamorphoser l'expression de Mars. Aucun événement ne peut bloquer le moi, quelle que soit sa force de destruction, si le sujet fait appel aux principes spirituels, c'est-à-dire aux essences des pouvoirs planétaires. 

Il faut donc connaître ces principes, travailler sur leurs combinaisons, déduire les états d'esprit qui s'ensuivent, et qui mènent à une interprétation projetée du présent, mais qui n'est pas l'interprétation vraie, puisque le moi réagit à ce qui lui arrive en déformant, voire en évitant, par le déni, le véritable sens de ce qui advient. L'esprit générique utilise donc des prismes pour s'emparer de la réalité, et il ne la voit jamais telle qu'elle est. L'instinct de capture colore Mars, celui de l'abandon colore Vénus, le besoin d'expansion se cache dans Jupiter, comme le besoin de réduire se dissimule en Saturne. Le besoin de « briser ses chaînes » entourloupe le pouvoir uranien, fanatique s'il ne s'appuie pas sur Saturne. L'ivresse de l'osmose est tapie dans le pouvoir neptunien, et peut le pervertir. Selon les circonstances, le sujet projettera le désir, le désir d'être désiré, celui de faire partie du contexte en présence, celui d'imposer ses propres structures à celle du présent.

Mercure mettra en forme, dans le présent, le vêtement martien ou vénusien, jupitérien ou saturnien, l'habillement qui garantira que le vécu soit assimilé selon la structure unique du moment de naissance. Même si, du point de vue de l'alchimiste, les projections sont mauvaises, elles sont si particularisées que chacun se reconnaît dans le type d'interprétation qu'il conçoit, pour aussi fallacieuse qu'elle soit. Quand les anciens astrologues s'évadaient des pronostics, ils lisaient le thème natal pour y déceler un « caractère » donné et fixe, une sorte de pierre précieuse aux arêtes inégales, dont chaque facette donnait au sujet des talents et des vices, des capacités et des inaptitudes.

Malgré ses mérites, cette pratique astrologique maintenait le paradigme de la prédestination, le caractère semblant définitivement acquis, ne pouvant guère se transformer, Mercure étant réduit à une fonction de simple comptable, alors que l'alchimiste lui confère celle de dissolvant universel, qui nettoie sans cesse les projections, les impuretés des fonctions psychologiques, avec leur prisme préétabli d'interprétation subjective des faits. 

L'astrologie humaniste est donc une révolution, comme Einstein supplante Newton si l'on veut. Tout ce qui reste de « vrai » dans les anciennes astrologies peut demeurer, mais en ne jouant plus qu'un seul rôle, celui de point d'appui pour l'astrologie alchimique. Il est toujours nécessaire de pointer les déterminations, mais non plus pour en faire des autorités — les instruments du fatum, mais pour les transformer en points de repère pour découvrir le fonctionnement de l'esprit. Il découvrira les lieux où ses propres opérations doivent être modifiées, les moyens surgissant automatiquement de ce repérage. C'est pour cela que nous insistons sur le premier travail à effectuer, qui est de sortir du magma brownien qui mélange les juridictions des planètes dans une résultante automatique et panoramique, leurs fonctions surgissant au petit bonheur la chance selon les circonstances.

Un recadrage précis doit s'effectuer pour intercepter l'action des planètes, en particulier dans la Maison 4, où se trame le schéma de l'histoire de l'individu, où tant d'habitudes et de préjudices peuvent s'accumuler par le simple fait de l'incarnation en mouvement. Les signifiants de la Maison 10 doivent être eux aussi passés au crible, car les forces en ce lieu peuvent traverser l'individu avec une puissance impersonnelle difficile à absorber, comme si le sujet était en quelque sorte possédé par un talent puissant difficile à particulariser, et qui tâtonne longtemps, provoquant des faux pas ou des frustrations. 

L'Ascendant doit systématiquement être soupçonné de vouloir réduire la conscience des autres pouvoirs pour l'emporter dans la politique générale de l'emploi du temps. Le Descendant peut révéler parfois une fenêtre trop petite pour percevoir le potentiel du non-Moi, et une manière trop précise et trop intéressée d'utiliser l'autre par rapport à soi. Enfin, la Maison où est tombée le soleil soumet à un usage particulier de sa planète maîtresse, ce dont très peu de personnes jouissent naturellement ! Il convient donc de ramener cette fonction à une occupation plus précise de sa Maison, de son territoire, et ce gain sera un excellent point d'appui et de repère. La « rectification » est donc l'opération alchimique par excellence, qui stipule que la pureté et la vérité s'obtiennent par de simples modifications de ce qui est déjà présent (mais caché), et non pas par une fuite vers du meilleur purement imaginaire, tel l'envers du décor du vécu. Vénus est infirme sans Mars le concret, la lune orpheline sans le soleil qui l'éclaire, Jupiter se développe sans but sans Saturne, Uranus crée dans le vide sans Neptune. 

Il va de soi que ramener à la raison la fonction vénusienne, toujours avide d'embellir la réalité, soit pour y échapper soit pour l'améliorer, devient rapidement une opération nécessaire, une fois la dramatisation lunaire purgée, et le narcissisme solaire éteint. L'agressivité martienne diminue d'elle-même quand le sujet a définitivement intégré que les réactions du type de la colère suppléent au manque d'autorité sur soi-même, et qu'elle reproduit toujours les mêmes impasses. Et puis, de fil en aiguille, la fonction jupitérienne peut être libérée de sa vanité contingente, et l'estime de soi reposera sur cette transformation évolutive et non sur la posture sociale ou la jouissance d'une compétence d'ordre extérieur.

Devenir compétent par rapport à soi remplace avantageusement les satisfactions limitées des postures socio-culturelles. Saturne est appelé à changer sans cesse sa conception du principe d'autorité, jusqu'à ce que le moi la fonde en soi et s'y tienne, ce qui exigera l'éveil de l'identité holistique que représente le soleil, une fois qu'il se particularise dans l'individu. 

La coïncidence des opposés,  

tel est le secret de la pierre philosophale, cette conquête qui donne à la conscience sa souveraineté. L'alchimiste verra d'un oeil égal l'activité et la passivité, l'échec et la réussite, l'écoute et l'initiative, le yin/yang sera compris comme les deux faces de la même médaille, et non comme des adversaires ou des contraires.



2 Le point d'arrivée, la réconciliation du principe de plaisir et du principe de réalité.



L'ensemble des philosophies propose des proportions différentes à accorder aux deux pôles de cet antagonisme, du puritanisme absolu qui condamne fermement le principe du plaisir, jusqu'à différentes formes d'hédonisme, qui associent les deux principes, depuis l'immanence sacrée d'un Lucrèce ou d'un Epicure, qui respecte le plaisir et le modère pour qu'il conserve un caractère divin, jusqu'aux mouvements diaboliques et sataniques qui veulent ériger en seul principe de réalité le culte du désir. En parallèle, les religions stipulent elles aussi quelques interdits et quelques obligations qui ont pour but de définir quelle prépondérance accorder à ces deux principes. La diversité des options qui ont été répertoriées pendant l'Histoire montre bien, primo, que le problème a été reconnu dans toutes les cultures, secundo, qu'aucune réponse générale n'a été fournie, toutes les options restant en lice pendant des siècles, avec des variations qui se succèdent selon l'évolution de la culture.

La mode est à l'athéisme en Europe, avec l'essor d'un hédonisme vulgaire que les élites ne savent plus comment contrer, puisque les intellectuels qui dénoncent le culte de la complaisance de l'ego sont montrés du doigt. Cela prouve indirectement la puissance de la détermination astrale, certains moments de naissance poussant à des extrêmes qui seront subis, comme l'envoûtement du sensible reniant l'intelligible, ou l'inverse, qui produit des fanatiques qui haïssent la vie et aiment souffrir pour célébrer leur opposition pathologique à la nature. Indirectement aussi, l'esprit du temps pousse dans un sens ou dans un autre, et si nous sommes imprégnés des cultures de l'Asie, nous comprenons également que les positions individuelles prises par rapport aux deux principes (plaisir contre réalité) peuvent provenir de l'expérience de l'être psychique, qui se sera développée d'une manière particulière, en accord avec la vie ou en porte-à-faux, ou dans une posture mélangée, qui, elle aussi, laissera des traces. Différents facteurs se combinent pour déterminer ce que représente le principe de plaisir dans le moi, et ce que représente la réalité, à laquelle il faut déjà s'intéresser de près pour supposer qu'elle obéit à un principe directeur caché.

Selon Sri Aurobindo, la vie pourra un jour ou l'autre rejoindre le Divin, aussi est-il inapproprié d'opposer dos à dos le principe de plaisir et le principe de réalité. Ce sera naturellement au principe de plaisir de s'emboîter, de se subordonner au principe de réalité, quitte à ce « qu'il laisse des plumes » au passage. Le principe de plaisir est constitutif de la vie elle-même, qui ne survivrait pas sans lui, et l'idée de l'apprivoiser l'emporte donc sur celle de l'écraser, une vieille méthode qui ne réussit qu'à des âmes exceptionnelles, capables de « sublimer » l'énergie vitale sans pour autant collectionner les refoulements. Beaucoup d'hommes ont essayé de se libérer de la pulsion sexuelle en la niant tout simplement, sans pour autant obtenir de résultats convaincants, comme à l'inverse certaines sectes gnostiques préconisaient de laisser libre cours au désir dans l'espoir qu'il pourrait ainsi se tarir (exemple type du remède pire que le mal, propre à notre espèce). Raspoutine allait même, selon la légende, jusqu'à organiser de petites orgies, dont les participants se repentaient par la suite devant le Christ, avant de recommencer. 

L'astrologie permet justement de comprendre pourquoi autant de proportions différentes peuvent être établies pour partager notre conduite entre la poursuite du plaisir et la poursuite de la réalité. Nous pouvons avoir affaire à des individus opposés, les uns reconnaissant sans peine le principe de plaisir tout en étant incapables de reconnaître le principe de réalité, comme l'inverse peut se produire: le moi est si obsédé par la structure du réel qu'il redoute sa propre subjectivité et peut avoir honte de certains de ses désirs. Entre les individus qui « se croient tout permis », et ceux qui s'empêchent tout élan de crainte de se tromper, de chuter, de se perdre même, existe l'immense catégorie des êtres humains pour lesquels le principe de plaisir et le principe de réalité se côtoient au petit bonheur la chance, sans qu'aucun des deux ne soit vraiment défini. Les périodes de « chance » permettent que les deux principes s'épaulent (§ politique du dao), mais quand la vitesse de la vie disjoint cette collaboration, le moi se trouve soudain tout penaud, et il peut commencer à engranger dans le subconscient des frustrations.

Le moi devra donc apprendre à se représenter d'une nouvelle manière la réalité, et admettre qu'il n'en connaît que des bribes, comme il doit apprendre à agir sur lui-même, par l'intention et la décision, pour cesser de se soumettre aux seules dynamiques astrales (comprenant nombre de réactions) qui l'avaient guidé jusqu'à présent. L'opposition radicale entre le principe de plaisir et le principe de réalité doit être nuancée, profondément revue et corrigée, puisqu'il apparaît qu'à partir d'un moment donné, la recherche profonde de la réalité (ou le don de soi au dao pour les athées et au Divin pour les croyants) engendre du plaisir (amour de l'art, de la réflexion, enthousiasme de chercher la meilleure voie). L'évolution humaine est sans doute l'histoire de ce glissement du simple plaisir sexuel et sensuel vers le plaisir de l'être, — cette conscience qui participe à tout, et cesse de privilégier l'aboutissement du désir dans le plaisir, la capture de son objet, ce qui demande des efforts et une véritable politique qui absorbe l'esprit nuit et jour. Il n'existe sans doute rien d'autre que ce déplacement pour rendre compte de ce que l'on appelle le progrès, un fait qui demeure incontestable pour qui observe de près l'Histoire. En ce moment même, le mental humain commence à s'affranchir de nombreux diktats archaïques, comme la supériorité du masculin sur le féminin, la supériorité de la structure collective sur l'individu.

La conscience se cherche hors des normes culturelles, hors de la politique, hors du consensus sur la valeur du travail et de l'argent. Le sentiment « d'appartenir à » est en train d'être remis en question de fond en comble, tant de personnes ont été déçues par leur allégeance, leur obédience, culturelle, politique ou religieuse. Nous pouvons même affirmer que certains se doutent que l'esprit possède un fonctionnement, et c'est avec circonspection qu'ils se penchent sur la question, car l'esprit ne peut pas être réduit à une machine, et son caractère immatériel empêche aussi qu'on l'assimile à un simple organisme. Cependant des ébauches ont été élaborées, comme la cartographie des chakras, et le mental de notre époque continue sa route vers sa propre découverte à travers une petite minorité de chercheurs. Mais il s'agit toujours d'un même et seul problème,  

comment le passage du présent transforme la structure fixe du corps et de la personnalité (tel acquis présent deviendra inné, selon les dernières découvertes, dans la prochaine génération) 

et comment la structure du moi s'y prend-elle pour exclure ou inclure certains comportements et certaines motivations au fil des ans. 

Une des raisons qui explique l'échec généralisé des philosophies et des religions pour établir la proportion idéale entre le libre cours du désir et l'ouverture à la réalité, provient justement du fait que plusieurs facteurs ne cessent d'inter-agir pour faire varier cette proportion. Si le cheminement normal est d'aller, très lentement, de la prépondérance du désir à celle de la réalité et de sa recherche, les événements extrêmes, les occasions et les accidents, agissent avec suffisamment de force pour faire bouger le balancier intérieur sans notre consentement, étant donné que les émotions peuvent altérer « le jugement », comme le jugement peut apprendre à recevoir les émotions d'une autre manière, en les laissant s'exprimer, sans pour autant s'y identifier pleinement. 

Le désir est installé dans l'âme charnelle qui n'a nullement besoin de se relier à la réalité, suivre la nature lui suffit, aussi nous faut-il bien admettre que c'est l'intuition de l'être non-corporel qui fonde la recherche de la réalité comme une nécessité. Un pas colossal est franchi quand le moi est prêt à renoncer à certaines captures gratifiantes pour permettre à son esprit de se tourner vers des objets immatériels, les Idées pour Platon par exemple, ou les valeurs morales, ou les enseignements spirituels, soit l'ensemble des préoccupations possibles qui veulent donner un sens à la vie en plus de ce qu'elle propose, et qui ne peut venir, donc, que des mondes invisibles de la pensée créatrice ou de la non-pensée.

L'alchimiste est amené, s'il témoigne, à expliquer ce glissement possible de l'esprit des préoccupations matérielles — contingentes et sexuelles, vers les préoccupations plus profondes qui pourront fonder une démarche aventureuse vers l'expansion de conscience. Bien sûr, les matérialistes nient qu'il faille se sentir relié pour « réussir sa vie », justement parce qu'ils remplissent leur emploi du temps d'actions rapides qui les privent des jouissances intemporelles de l'être, comme les évoquait par exemple Platon dans le Phédon. Si nous voulons rester techniques, nous voyons bien que Mercure et Vénus, si proches du soleil, telles ses premières extensions, travaillent ensemble dans notre personnalité, c'est-à-dire que le premier mouvement qui consiste à virtualiser le réel, à l'appréhender par des pensées, ne cherche pas à le voir tel qu'il est, mais tel que l'esprit voudrait qu'il fût.

Autrement dit, l'intervention de Saturne dans le processus de représentation de la réalité n'est pas inné, n'est pas gagné. Il est même si absent à l'appel que la majorité des êtres humains se contente d'imaginer le réel, et comme cela ne suffit pas à savoir se conduire, les religions mâchent le travail des fidèles en leur donnant des marches à suivre, de purs produits saturniens impersonnels, du prêt à porter obligatoire, bref un uniforme, qui dispense donc de porter son propre jugement sur les choses. Tout est bénéfice pour la société, les individus continuent de rêver leur vie, de manquer le réel, mais toutes sortes de chicanes les empêchent de s'égarer vers la liberté de pensée, et toutes sortes de carottes leur font croire qu'ils sont sur le bon chemin, le paradis ou la meilleure réincarnation s'ils suivent les panneaux, l'enfer ou la régression karmique s'ils osent aller voir de trop près la puissance du principe de plaisir, qui doit être contenu pour que le principe de l'autorité puisse être intégré dans le développement existentiel.

Les masses suivent l'itinéraire saturnien général, la loi de Dieu, ou bien la loi politique, ou encore le règlement juridique, ou la rechercne du profit, mais toutes ces structures sont des fractales du même principe, ce logiciel qui définit l'usage du présent en l'encadrant de près, pour empêcher les pulsions de faire la loi et préserver l'intérêt général en endormant l'âme particulière dans le chemin balisé des normes. 

Voilà pourquoi la vision d'Epictète reste un modèle. Il propose de se détacher des fascinations de l'objet, il rejette le sentimentalisme que l'esprit ordinaire appelle l'amour, et ainsi, il fait de la place à l'esprit, il en change le programme, pourrions-nous dire aujourd'hui. Délivré de son obsession de la capture gratifiante, le mental peut alors se laisser pénétrer par le réel, le vrai réel sans limites qui va rappeler l'échéance de la mort. Alors, parce qu'il n'est plus hypnotisé par la chasse aux satisfactions contingentes, l'esprit accepte de voir revenir à la surface la peur de la mort et, sous la menace de cet aiguillon, sa vision devient de jour en jour plus profonde, car le présent subit une transformation, sa perte inéluctable « réfléchie » lui conférant désormais de la valeur ajoutée.

L'essentiel s'est manifesté: ma vie aura un terme, serai-je prêt pour accepter le grand passage? Dans cet itinéraire, qui comporte de nombreux points communs avec la doctrine bouddhiste en particulier, un Saturne serein « remet à sa place » les instances fortement attachées à la nature. La lune persiste en tant que révélatrice du présent, mais l'observation de l'émotion pourra se produire en même temps qu'elle se manifeste, Mars persistera comme capacité d'action, mais elle sera économe, évitera les coups d'épée dans l'eau, car peu de choses seront recherchées, peu de projets seront retenus. Vénus restera cette capacité de reconnaître la saveur divine de se sentir relié, mais l'objet sera informel: l'amour sera donné au présent, au présent vide des convoitises qu'il suscite dans un cœur normal, et, en retour, il inspirera. Jupiter sera libéré de ses ambitions, de son toujours plus systématique, et donnera le sentiment au moi de s'étendre au-delà de la vie et de la nature, de posséder un territoire de jouissance infinie, la connaissance. Saturne sera puissant, après avoir éliminé ses propres manœuvres inutiles, comme le jugement de valeur, cette appropriation factice de l'autre par rapport à soi, et la peur de perdre, son double ténébreux, enraciné dans la nature, et qui concerne tous les êtres, avant qu'ils ne passent à l'alchimie.  Ce qui ressort partout, au sein de la sagesse universelle, c'est que la vision de la réalité ne peut pas s'ajouter au libre cours du principe de plaisir.

Ou bien, de fausses voies apparaissent, qui semblent d'abord merveilleuses car tout devient miraculeusement compatible, mais c'est là le domaine des faux dieux, qui confondent la liberté et la licence, annulent toutes les lois, prétendent que toute affirmation de soi est légitime, quelle qu'en soit la nature. Le meurtre de Saturne revient cycliquement à la mode, la frénésie consiste bel et bien à vivre sans foi ni loi, à idolâtrer le plaisir et maudire toute forme de contrainte. Mais là non plus, nous ne pouvons pas nous permettre de condamner, quant à déplorer ce système qui n'apporte que le chaos, c'est également inutile. Quand ce monstre est en marche, quand l'ogre avance, plus rien ne peut l'arrêter, mais il n'est pas une fantaisie, des causes lui ont donné le jour et donc, il est parfaitement légitime. Le réel obéit à des combinaisons inexpugnables et, si le meurtre de Saturne se produit à nouveau, c'est que nous aurons tout fait, collectivement, pour qu'il se reproduise. Nous aurons vécu sous la férule de lois iniques, dans le rêve de notre propre existence jugée comme la seule à préserver avec celles de nos plus proches, et la somme de tous ces égocentrismes familiaux dressés les uns contre les autres, mène inévitablement à la catastrophe, puisqu'une loi secrète, l'involution divine, dirige notre espèce. 

Quand elle est lassée de ne jamais parvenir à quoi que ce soit de juste et de droit, quand elle s'est épuisée en vain en redressements de torts et en utopies meurtrières et qu'elle ne tient plus la route, selon l'expression moderne, alors oui, l'humanité tue Saturne, tue le père, tue Dieu, comme l'a dit le destructeur de la philosophie. Peut-être est-ce même comme cela que l'aventure divine commence, comme un adolescent passe par une phase réfractaire pour mieux se découvrir lui- même. Il faut donc que l'être humain expérimente les voies sans issue, qui sont les voies extrêmes, pour qu'il finisse enfin par comprendre que la question est complexe et délicate. Le jouisseur invétéré n'est pas plus heureux que l'ascète obéissant à des règles, et qui rêve d'une autre vie qu'il s'interdit pour de mauvaises raisons. Tourner le dos à Saturne, le législateur, ou en faire son maître exclusif, sont les deux termes de l'alternative damnée. Et pourtant, ce sont des voies tentantes que nous saurons bientôt définir, grâce aux progrès en psychologie, comme les itinéraires du refus de soi, l'un parce que le sujet reste sous l'emprise de la nature et chérit son esclavage, tout désir devant aboutir, et l'autre, parce que le moi reste sous l'emprise de l'obéissance soumise, pour éviter de se confronter à sa liberté: cette dualité interne permanente, qui ne cesse d'agir en opposant le principe de plaisir avec ses tentations grasses, au principe de réalité aux tentations confuses, subtiles, et aléatoires — qui ont rarement suffisamment de force pour l'emporter sur leurs rivales, bien plus intenses dans le présent. 

Et nous ne pouvons pas attendre d'avoir envie de la vérité comme on peut avoir envie de boire, de manger ou de dormir. Ou bien, pour parvenir en ce lieu, il nous faudrait soudain retrouver l'eden perdu, mais comment ! Ou bien encore, il serait nécessaire de prendre notre mal en patience en espérant que l'évolution naturelle de l'espèce nous fabrique ainsi, tournés naturellement vers le Divin, par une victoire épigénétique de l'aspiration à la totalité, qui finirait par animer nos gènes. Mais le nombre de siècles requis pour parvenir à ce modèle anthropologique est si loin devant que l'humanité aura sans doute eu l'occasion de disparaître, en totalité ou presque, avant cette performance. Non, nous ne pouvons pas attendre que le septénaire se déploie en nous correctement par simple automatisme. Ce serait la solution évidemment, c'est ce que souhaite le principe de plaisir si nous lui attribuons un esprit: que tout se développe sans coup férir, comme pourraient le comploter la lune, Vénus et Mercure flirtant avec Jupiter, s'ils étaient les seuls régents de notre existence. Mais c'est justement l'esprit du principe de réalité qui nous convainc que rien ne va de soi, que rien n'arrive « comme si de rien n'était », que notre infime présence au monde est par la force des choses dépassée par les événements, parce que la Manifestation fonctionne à travers le glissement des opposés vers leur complémentarité, et la division de leur union vers le retour de leur opposition.

Mars, le guerrier que rien n'arrête, et Saturne, le procureur, mènent la danse. En supposant même que nous maitrisions notre propre existence, nous demeurons à la merci des cercles qui s'évasent autour de nous, proies potentielles dans une famille qui éclate, laissé pour compte dans une société à bout de souffle, victime de la guerre quand l'Histoire, se prenant pour Zeus, manie la foudre des canons et pourquoi pas bientôt, celles des armes atomiques? Mars nous initie à la compétition des valeurs, et les plus belles deviendront sanguinaires au cours de l'Histoire, comme l'exprime si bien Sri Aurobindo dans Savitri. Le Bien met du temps à prendre le pouvoir et dès qu'il y parvient, il devient mauvais, nocif, autoritaire et tyrannique. La haine naît de l'amour, Mars ne quitte jamais Vénus d'une semelle, dans le fond; la loi inique dérive de Saturne, car Jupiter se débrouille toujours pour que la Magistrature soit au service des puissants, sans compter que la corruption arrondit les angles et homogénéise les intérêts de tous.

Les dés sont pipés en profondeur, avec yin qui phagocyte yang quand il s'assèche outre mesure, avec yang qui torture yin qui s'étale avec complaisance dans l'oisiveté et la paresse pour le réveiller. A chaque instant, les couples devenus complémentaires redeviennent des opposés à notre barbe, et se séparent avant de s'affronter, comme à chaque instant, à notre insu, ils peuvent se rejoindre, puis se réconcilier avant d'avancer ensemble vers le même but divin. Le même scénario se joue en chacun et dans l'Histoire. L'imprévisible change les règles du jeu sans arrêt, la loyauté n'a aucun sens sans la trahison, le permanent n'est que l'inverse du discontinu et de l'éphémère, et tous les invariants qui nous composent, toutes nos juridictions psychologiques, tout notre système solaire intérieur tourbillonne plus vite que ce que nous pensons. Et il est bien difficile pour le moi, pour le sujet, et même pour l'apprenti alchimiste, d'être fidèle à toutes les instances qui le constituent: elles ne possèdent pas les mêmes valeurs. 

Tandis que Vénus est en quelque sorte manipulée par le possible et tâche de semer le présent dans quelque anticipation idéale, la lune s'en tient à ressentir ce qui advient, pour s'en plaindre ou s'en réjouir, mais n'en démord pas. La sensation fait foi, la douleur et le plaisir sont les maitres de l'existence. Tandis que Jupiter favorise l'expérience ramificatrice, qu'il fait confiance au champ indistinct du réel et qu'il nous rend curieux et enthousiaste, Saturne limite l'espace et assigne au temps qui se déroule un but. L'esprit ne peut pas être sédentaire et nomade en même temps. Alors nous souffrons de sacrifier le possible au réel, et le seul moyen de résoudre cette épineuse question, c'est de faire entrer la réalité dans le meilleur possible, c'est-à-dire de créer des formes pour transformer sans cesse ce qui advient en fonction de nos aspirations. Dans notre mémoire ancestrale, le possible et le réel ont toujours été à couteaux tirés, l'artiste est moins considéré que le soldat, à moins qu'il ne réussisse. Le réel ordinaire — métro boulot dodo — l'emporte, soutenu par des normes. Alors que le possible qui peut tout changer, en est encore dépourvu, de normes, de modes d'emploi, de précédents, de modèles à suivre. 

La matérialisation du potentiel semble hasardeuse, elle ira à l'encontre de trop d'autorités pour que ce soit payant d'incarner le possible. La lâcheté, telle est la solution, au moins les choses tournent rond si l'on évite de regarder là où c'est insoutenable... Et le possible est chassé du réel, alors qu'il en est le véritable agent, l'initiateur cosmique caché, mais il va si lentement qu'il passe inaperçu. Autrement dit, nous sommes ensevelis dans une réalité figée car nous ne savons pas suffisamment en changer les formes. Une force d'inertie matérielle fixe les structures dans des schémas indélébiles, alors que tout est en mouvement et que la vraie morphologie du présent nous échappe. Et c'est parce que l'Histoire n'avance pas au rythme du vivant, que le rétablissement du rythme cosmique se fait par des destructions, parfois massives, des sociétés endormies.

Saturne et Vénus sont donc des adversaires éternels, et pourtant nous rêvons sans relâche de les apparier. Le mariage l'atteste, l'amour devra durer toujours, nous décidons solennellement de soumettre le principe de plaisir au principe de réalité. C'est ce qu'il y a de mieux, la famille, les enfants, le vieux couple qui vieillit la main dans la main, chacun se prenant pour l'autre s'il n'y prend garde. Faire durer l'éphémère gratifiant et le tour est joué, l'éternité ruisselle du présent. Comme si Mars pouvait accepter cette supercherie. Comme si Jupiter pouvait accepter la routine, comme si le temps n'était pas chargé, par définition, de renouveler rapidement les désirs comme les peurs, les sensations comme les pensées, les buts comme les fuites, les informations comme les représentations. Immobiliser l'extase, supprimer toute douleur, comme si l'âme charnelle, aux ordres du désir et de l'éphémère, pouvait reconnaître l'âme intelligible, aux ordres du principe de réalité, invisible et multiple, ordonné mais caché, souverain mais inaccessible, intemporel et sans forme.

Notre condition serait paisible si l'unité se dessinait avec candeur et innocence, comme la simple résultante d'une polémique polie, mais seule la lutte peut la rétablir, car les matériaux archaïques sont à transformer, et ils défendent leur territoire avec une force titanesque. La première mémoire de la vie est foncièrement obscure, comme le décrit si bien Sri Aurobindo dans la synthèse des yogas, page 195, un texte fondamental pour l'alchimiste intégral, qui se doute que cette force possède des ramifications subconscientes en lui, quand il se laisse aller à la négativité, au doute sur le pouvoir divin. Le principe de plaisir possède de nombreuses couches, et plus nous descendons vers le passé, plus nous en répertorions les strates obscures, comme la jouissance provoquée par la souffrance de l'autre, une des survivances dynamiques les plus coriaces et qui sort comme un diable de sa boîte quand la haine s'est installée, que l'émeute déferle, que la guerre l'emporte, ou que l'amour transformé en son contraire, célèbre une victoire. 

Quand le gratifiant vient à notre rencontre, le principe de réalité fait marche arrière. C'est la loi inexorable de la nature, c'est notre malédiction d'être tombés dans ce corps de chair qui nous invite à poursuivre de petites choses agréables et d'éviter de grandes choses nécessaires. Le mental physique, le socle sur lequel s'appuiera le principe de plaisir, sabote notre existence puisque son rôle est de maintenir ce qui est déjà là, même si c'est de la douleur, même si c'est de la souffrance, le déjà là possédant une légitimité souveraine par rapport au possible, qui lui, est encore absent. Le potentiel est donc obstrué par toutes sortes de présences qui occupent le terrain de notre subconscient. La toute-puissance de l'entropie, de la désorganisation, du délabrement de l'homogène dans l'hétérogène est une vision supramentale qui fonde l'être psychique dans un nouveau type de résistance au passé. Elle révèle l'impuissance de l'espèce face aux maux dont elle cherche à s'affranchir, quelle que soit la manière dont elle s'y prenne. Ni les religions ni les idéologies n'améliorent la société, aujourd'hui condamnée par la progression exponentielle des inégalités. 

A l'inverse du mouvement général, l'alchimiste rend le possible plus actif que l'actuel, et le virtuel devient alors aussi conséquent que le « sonnant trébuchant », bref, le concret n'a pas plus d'importance que ce qui est absent mais peut devenir tangible, — une fois la décision prise. Le présent devient à chaque instant un levier, la lune a perdu, elle ne tricotera plus le présent avec le fil du passé. C'est une victoire chaque fois que cela se produit, dans une culture ou dans l'individu, comme tout désaveu de la violence, comme toute condamnation des élans les plus primaires de Mars, constitue un progrès universel. Seul, le possible change la donne du vécu, sinon le vécu demeure du destin, du fatum, du prédestiné, du joué d'avance, c'est-à-dire du perdu d'avance.

Le monde que les occultistes nomment le monde sublunaire est un univers ligué contre le potentiel et le nouveau, c'est une dimension dans laquelle seuls les mécanismes agissent, à travers des cycles, et c'est l'espace dans lequel tout tourne en rond éternellement, comme le monde sidéral dépourvu de la moindre velléité de conscience. C'est le monde phénoménal, la caverne de Platon, le samsarâ de l'Inde, que se partagent les bouddhistes et les brahmanistes. Le mental, la matrice, ne peut être ensemencée que par ce qui vient de plus haut qu'elle, et qui se fraie un chemin chez les authentiques chercheurs. Comme le disent les alchimistes, faire passer de puissance en acte les vrais principes, est une affaire extrêmement difficile, il s'agit même, selon ceux qui travaillent au fourneau, de cuire... sans casser l'alambic où les matières en transformation sont enfermées (dans le vaisseau). Il s'ensuit que c'est tout près du but que la plupart des alchimistes échouent, ne sachant déterminer la température exacte qui permettra l'opération finale sans que le contenant ne se brise. 

Il en est de même dans la recherche évolutive, la libération ne couronne qu'un nombre dérisoire de chercheurs spirituels, ceux qui auront trouvé la bonne température pour leur transformation intérieure. Ceux qui brûlent encore trop pour eux-mêmes, mêlant de la vanité à leur ascèse, échouent autant que ceux qui sont trop froids, pour lesquels le combat contre soi-même reste davantage une belle théorie qu'une pratique intense, au jour le jour, contre les petites faiblesses, les petites lacunes, les petites fuites, les dénis qui s'accumulent, et qui permettent finalement de rester dans le statu quo que la nature impose, tout en le décorant de représentations sublimes.

Ceux qui ne s'empoignent pas entièrement avec eux-mêmes, qui ne s'approchent pas au plus près des amalgames délétères entre le principe de plaisir et le principe de réalité, ceux-là ne trouvent pas la bonne température pour se transformer: l'homéostasie transcendante qui propulse dans le soi est absente au rendez-vous. La vision supramentale est impitoyable quand elle se penche sur l'être humain, elle ne perçoit la plupart du temps que des êtres inachevés, préférant suivre et imiter que se plonger dans le mystère incandescent des deux feux qui les consument, le feu sec de l'énergie de vie, brûlant jusqu'à l'incendie, et la combustion de l'énergie spirituelle, le feu humide, qui dissout les flammes de la passion, et réunit la somme des élans hétérogènes en une seule douce flamme, l'aspiration divine.

Il s'agit d'un combat entre soi et soi, entre le soleil et la lune exclusivement. De même, Mars poussera à la faute que Vénus, plus exigeante, veut interdire, et nous voilà en chasse du partenaire idéal, que nous pourrions aimer sans la moindre culpabilité, alors que Mars instrumentalise l'autre en objet sexuel et s'en félicite. De même, Saturne et Jupiter seront parfois à couteaux tirés, le législateur sérieux interdisant des conquêtes sociales qu'il juge inutiles, alors que l'aventurier aimerait les mener de toute façon pour avoir plus d'espace et davantage de moyens, pour goûter la saveur de la prospérité qui comble l'âme charnelle. La vérité de l'être ne peut donc se déployer qu'en possédant une force irrésistible, peu commune, qui proviendra de l'union intérieure de toutes les instances psychiques prêtes à mener le même combat, alors que sans une attention parfaite qui les mesure, elles ne mèneront jamais dans la même direction. 

Départager. 

Sinon, la lune interdira tout changement, Mars se complaira dans des luttes mesquines, Vénus fuira en avant hors de la matière et du présent pour rester parfaite et belle, Jupiter se contentera de conquêtes et d'aménagements faciles, Saturne maintiendra la culpabilité sans lendemain et l'obéissance servile aux règlements iniques de la culture, bref, la vie sera jouée d'avance comme une simple expansion de la naissance. L'existence sera surplombée par une pensée chaotique et délirante, au service du dernier acteur qui aura parlé. Une fausse raison légitimera le désir autant que le réel, le oui autant que le non, selon ce qui se présente au sein de la farandole rapide des occasions et des accidents, selon le génie des tentations qui s'offrent et qui jouent avec notre libre arbitre comme un chat avec une souris. 



3 Créer des outils



Si telle n'était pas notre condition, il y aurait moins de psychologues et de thérapeutes dans nos sociétés avancées. Les psychiatres resteraient nécessaires pour les cas dits lourds et, pour le reste, les citoyens iraient leur chemin cahin-caha, sans avoir besoin d'exposer leurs problèmes, leur souffrance, leurs litiges. L'alchimiste devra donc évoquer que la souffrance est la conséquence d'un certain type de représentations, et il ne pourra guère se tromper. Soit la personne « en fait trop », en ramenant le principe de réalité à son propre principe de plaisir, soit elle n'en fait pas assez, et subit avec une complaisance morbide ce qui lui arrive, sans oser y mettre un terme, sous prétexte que la réalité est toute-puissante et qu'elle est donc autorisée à écraser sa personnalité en empêchant le principe de plaisir, subjectif, personnel, unique, d'avoir le moindre espace de manifestation, ce qui mènera à la névrose, ou d'autres formes de dysfonctionnement, dans lesquelles les survivances dynamiques joueront un rôle prépondérant. 

Ressentiment, culpabilité, envie, haine de soi ou de l'autre, rejet de la vie ou de la pensée, image de soi toxique (bourreau, victime, bon à rien) — tous ces contenus déséquilibrent le fonctionnement homéostatique qui pousse en avant toutes les fonctions en maintenant leurs rapports efficaces dans le conscient. 


Quand une fonction s'enfonce dans le subconscient, c'est l'ensemble qui est affecté, les fonctions saines sont tirées vers le bas, attirées par la pente formée par l'effondrement de la fonction erratique. Des sentiments négatifs peuvent s'installer, comme l'inquiétude sans objet, la dépression, la séparation entre le moi du vécu, circonstanciel et mémoriel, et la personnalité permanente, le sentiment de l'identité personnelle. Comme l'ont compris de nombreux praticiens, la vie ordinaire est sans issue, puisque nous n'avons le choix qu'entre la peste et le choléra si nous demeurons dans la pensée générique, dans la matrice. Soit nous en faisons trop, à cheval sur nos prérogatives, et nous prenons la posture du bourreau par la force des choses, ce que nous ne nous avouerons pas, ou que seul un coach nous révèlera, ce qui engendre du karma de séparation d'avec les lois cosmiques.

Soit nous n'en faisons pas assez, et la posture de la victime se dessine dans une légitimité parfaite, ce qui engendre du karma de soumission servile à la puissance des événements. L'égocentrisme, devenu intégriste, distribue la souffrance autour de soi sans ménager sa peine, comme l'ouverture, devenue intégriste, appelle tous les malheurs du monde, attire les manipulateurs et les pervers narcissiques, les bourreaux de tout acabit, trop contents de l'aubaine de trouver des victimes qui, si l'on exagère tant soit peu, peuvent paraître consentantes, et cultiveront leur dépendance. 

L'astrologie permet également d'identifier des politiques toxiques mélangées, avec des excès de contrôle dans certains registres accompagnés de soumissions lâches dans d'autres, tant notre psychologie est complexe. En développant ce thème, nous tombons assez rapidement sur une certaine mésentente constitutionnelle entre l'homme et la femme, ou plutôt, si nous restons au plus près de la problématique, entre le mâle et la femelle. Nous tenons, à ce propos, à rappeler l'œuvre censée être celle de Jésus. Le christianisme, quelle que soit sa source, est remarquable en cela qu'il joue Vénus contre Saturne, l'amour et le repentir contre la loi et la sanction, ce qui le distingue étrangement de son père le Judaïsme, dans lequel « les règles » ont tant d'importance que la lettre peut finir par l'emporter sur l'esprit (pour la tradition exotérique) et de son fils l'islam, qui ne peut s'empêcher de tuer le père, et en revient à la loi avant toute chose. Nous avançons, à travers ces analogies, d'un bon pas vers la compétition des invariants qui nous composent, comme l'énoncé de la première partie le stipule. 

La racine du problème a toujours été vue et parfois magnifiquement synthétisée, avec Pascal parlant des raisons du cœur que la raison ignore... évoquant ainsi la tension incoercible entre Vénus, prête à tout pour se soumettre au champ du réel afin d'en faire partie (Vénus, vénal) et Saturne, prêt à tout pour se soustraire, par le retrait, la fermeture, la distance, « la rigueur », au présent qui l'entraîne trop loin s'il n'y consent pas. Cette tension est la source de très nombreux conflits intérieurs, et il en est de même avec celle qui relie Mars et Jupiter en politique, avec la rivalité entre l'opposition frontale faite d'intimidations et de menaces de guerre, Mars, et les efforts souvent désespérés de la diplomatie, Jupiter, qui veut faire prévaloir l'accord sur l'attaque militaire, moyennant quelques concessions, c'est-à-dire une certaine reconnaissance des interêts adverses.

Comme nous ne pouvons pas être au four et au moulin en même temps, à l'occasion de chaque conflit, Vénus nous invite à passer l'éponge, voir plus loin, à positiver, tandis que Saturne nous pousse à retourner le couteau dans la plaie, à exiger des comptes, à faire le bilan avant de concevoir le moindre nouveau pas. Vénus tient le rôle de l'avocat de la défense, et elle est même prête à inventer des circonstances atténuantes si elles manquent, comme Saturne est le procureur, prêt à ajouter des reproches imaginaires aux griefs indiscutables imputés à l'accusé. Si Mercure est du côté de l'avocat de la défense, l'accusé sera acquitté, si l'éloquence enveloppe les paroles du procureur, l'accusé sera condamné. 

L'alchimiste qui reçoit, doit donc pouvoir, sans la contraindre, inviter la personne à mesurer ses réactions habituelles, et à distinguer les conflits qu'elle pense vouloir régler avec Vénus, de ceux qu'elle veut régler avec Saturne. Le dysfonctionnement intérieur est justement cet état général de l'esprit qui se trompera volontiers, en cherchant des compromis là où seule la décision drastique, qui maintient l'intégrité en « tournant la page », peut résoudre le problème. Demeurer sans s'en rendre compte dans une situation inextricable devenue obsolète, au nom d'espérances fallacieuses, de changements à venir, est une pratique courante, si courante qu'elle fait la fortune des psychanalystes. S'acharner à préférer le révolu à l'issue de secours, sous prétexte que l'on ignore où elle mène, maintient trop longtemps des millions de personnes dans des prisons, sans qu'elles ne s'aperçoivent qu'elles refusent d'utiliser la clé en leur possession.

Cette yinnitude, qui revient en particulier aux femmes, a même été exploitée par les hommes pour les persuader que leur lot était de subir l'autorité masculine, irremplaçable. Toute carte psychologique peut comporter des points faibles, et quand le vécu « appuie là où ça fait mal », le sujet peut réagir très violemment dans une situation plus bénigne que celle qu'il s'imagine affronter. Dans ce cas, et même si c'est inutile, une attitude de rejet l'emporte que la nature du conflit ne justifiait en aucune manière. Tandis que c'est Vénus qui aurait dû prévaloir, une puissante réactivité, une sorte d'allergie à une situation donnée sans gravité, entraîne une rupture, une fuite, un combat ou un terme, alors qu'une conciliation aurait été plus profitable. Si l'espèce humaine n'était pas soumise dans son ensemble à ce genre de substitution au mauvais moment, c'est-à-dire au moment de la décision, il y a fort à parier que dans l'ensemble, notre société aurait moins besoin de psychothérapeutes et d'avocats. Nous avons intégré dans notre culture, depuis un siècle environ, en tout cas chez nos élites, que le primate qui forme notre corps nous joue des tours en nous « balançant » des logiciels de perception subconscients quand nous perdons le contrôle des situations, et, comme il va de soi que la réalité n'a aucune raison de nous obéir, les moments sont multiples pendant lesquels un décalage entre ce que nous souhaitons et ce qui advient se produit. Ce sont pendant ces moments-là que les logiciels truqués, que les virus attaquent notre mémoire vive. Le travail de l'alchimiste est l'inverse de celui du hacker, il lui revient d'identifier des unités de sabotage qui attaquent le principe homéostatique de la perception mentale, cette perception qui nous est chère, et qui est notre « note unique » dans l'univers. 

Le subconscient qui remonte nous fait perdre cette note si précieuse sur laquelle notre aspiration divine peut s'appuyer sans jamais risquer la moindre chute. Mais cette note disparaît à partir d'une certaine intensité de conflit entre le moi et le non-Moi, dont la conséquence est une séparation provisoire entre le principe de plaisir, frustré, et le principe de réalité, frustré d'être coupé du principe de plaisir sur lequel il aime s'appuyer. Sans doute que ces opérations s'effectuent dans notre cerveau à travers de nouvelles combinaisons entre les endorphines, mais le fait est là, notre humeur est variable, ce qui advient est souverain. Nous perdons à tout bout de champ notre coïncidence avec le Tout, kaïros n'est pas un gentil toutou qui nous idolâtre, mais un mystère pratiquement absolu, qui nous fait tourner en bourrique. Nous ne savons pas exactement pourquoi nous nous sentons à certains moments totalement nous-mêmes et à d'autres, quelque peu mutilés ou estropiés. Mais le fait est que nous ne pouvons pas nous soustraire à ces variations, et qu'il vaut sans doute mieux les reconnaître sans s'y soumettre, que les nier ou se laisser emporter par le drame.

Les personnes régis par la yangitude (entendons par là un terme technique pour caractériser la prépondérance de l'egocentrisme sur l'ouverture) auront tendance à faire comme si de rien n'était, à sous-estimer ce qui se produit, pour faire durer l'illusion de la maîtrise alors que « les carottes sont cuites ». Une certaine part de déni entourera la reconnaissance laborieuse de ce qui ne va plus, et l'avancée vers l'aveu du dysfonctionnement sera en partie humiliante, car il est probable que ce genre d'individus préfère se mentir à soi-même que se sentir coupable de ses échecs. Inversement, les personnes régies par la yinnitude auront systématiquement besoin d'exagérer les préjudices qui leur tombent dessus. Tandis que les uns aimeraient bien interdire à leur subconscient d'interférer avec leur système de maîtrise qui sauve la face, les autres (et cela ne suit pas forcément le genre) se laissent déborder par l'intrusion du refoulé. 

Bref, la nature humaine est si complexe que dans les mêmes situations préjudiciables, il faudra parfois permettre au sujet de « dramatiser » sa situation pour qu'elle entraîne des transformations, qu'il s'implique vraiment au lieu de jouer au chat et à la souris avec son thérapeute, tandis que dans la plupart des cas, il sera nécessaire de restreindre les représentations imaginaires qui viendront broder sur le préjudice toutes sortes de considérations inutiles. Parfois, il faut persuader le moi trop fort qu'il lui arrive vraiment quelque chose qu'il ne pourra pas gérer en le traitant par-dessus la jambe (pervers narcissiques, saturniens psycho-rigides, uraniens arrogants, jupitériens absolus), parfois il faudra l'éloquence du Mercure universel pour faire comprendre à un sujet manipulé par la yinnitiude (artistes, réceptifs purs, homosexuels masculins, adultes restés sous la coupe d'un parent, sectaires dociles, idéalistes forcenés, époux ou épouse dominée) que la remontée du subconscient est une aubaine pour enfin se diriger vers soi et se libérer des tutelles.

Saturne ne peut pas faire la loi et interdire au subconscient de se manifester, nous ne pouvons pas prévenir toutes les humiliations que la vie nous réserve. Vénus ne peut pas faire la loi, et s'adapter par la soumission servile finirait par réveiller une intégrité instinctive, et le retour de balancier. L'affirmation de soi contre l'autre, prendra une forme violente pour rétablir l'équilibre (femmes soumises qui tuent leur amant par exemple, au bout de plusieurs années de calvaire). 

Comme l'avait saisi Jankélévitch, nous pouvons bien nous amuser à jongler avec des concepts divins pour nous féliciter d'être des philosophes, si nous ne savons pas agir à point nommé, notre posture est une imposture. Les faits sont révolus, proclame Vénus, laissons sa chance à l'accusé. Les préjudices infligés aux victimes sont irréversibles, prétend le procureur, l'accusé doit « payer »... Finalement, toute notre activité mentale consiste à proportionner l'importance du passé, celle du présent, celle de l'avenir, et il n'existe aucune autre manœuvre plus fondamentale que la « prise en compte » de ces trois formes du temps. Nous sommes prisonniers du 3, la posture du funambule qui marche sur le fil du présent entre le passé et l'avenir nous caractérise. À chaque instant, l'acrobate peut tomber de son fil, c'est-à-dire abandonner la cohérence minimum qui doit joindre le passé à l'avenir.

Le vécu « discontinu » envoyait autrefois le fidèle chez le confesseur, aujourd'hui il fait la fortune des psys de toutes les écoles. Etablissons donc que le principe de plaisir et le principe de réalité doivent maintenir entre eux une certaine liaison. Si elle est perdue, elle sera à rétablir. L'alchimiste qui conseille est donc en droit d'avouer qu'une crise insurmontable va permettre de différencier deux identités 

A/ le moi de la logique du vécu, modelé par les événements,

B/ et le moi de la logique de l'être, qui cherche son intégrité en nettoyant le passé et en étant prêt à bifurquer. 

Bien qu'encore inconnu, bien que virtuel, le principe de réalité prendra le pas sur celui du plaisir, amenant avec lui un éventail d'incertitudes fécondes, élargissant le champ de la perception au-delà des attentes, au-delà des peurs, au-delà des systèmes de pensée. Dorénavant, l'émotion négative sera un signal et non une injustice, l'idéal s'appliquera au moment, dans l'aspiration de conscience, au lieu de partir loin devant à la pêche aux attentes comblées, le désir sera moins autonome, Mars se soumettant à Vénus. Quant aux valeurs, Saturne les cisèlera par rapport au sujet naissant, et seront abandonnées les stratégies incomprises de l'obéissance à des diktats extérieurs à soi. 

Mais ce glissement, ce passage ne peut s'effectuer qu'à certaines conditions. D'abord il faut veiller à ce que soit bien compris le principe de l'entrelacement du moi lunaire (la logique du vécu) avec le moi solaire (la logique de l'être), afin de permettre la compréhension du vécu par le Moi qui le transcende. Si c'est le moi du vécu qui interprète le moi du vécu, la thérapie tourne en rond. L'alchimiste insiste sur le fait que seul le moi de l'être, HORS DE LA PORTEE DES ÉVÈNEMENTS, peut interpréter correctement l'exposé des préjudices subis, selon le principe qu'il faut sortir du fleuve, le cours des choses, pour ne plus être emporté par lui, ce qui nécessite de séparer le moi émotionnel du moi conscient pour aboutir à une nouvelle interprétation du problème. Si l'astrothérapeute sent que ce témoin n'a aucune chance d'apparaître chez son patient, son travail est voué à l'échec. 

Pour en revenir à notre vision fondamentale,

seul le purusha peut investir la prakriti. 

Prakriti herself now seems to be mechanical only in the carefully regulated appearance of her workings, but in fact a conscious Force with a soul within her, a self-aware significance in her turns, a revelation of a secret Will and Knowledge in her steps and figures. This Duality, in aspect separate, is inseparable. Wherever there is Prakriti, there is Purusha; wherever there is Purusha, there is Prakriti. 

(Sri Aurobindo, synthèse des yogas) 

Purusha de Saturne: besoin d'intégrité, Prakriti: jugement de valeur, accusation, culpabilité sans issue (pas de repentir, pas de résilience) misanthropie. 

Purusha de Soleil: besoin de s'accomplir par rapport au Tout, ressenti comme divin. Aimer ce projet et chercher l'unité de son être dans l'unité du Tout. Prakriti: s'idolâtrer soi-même pour s'inventer la légitimité d'un règne à exercer sur la vie et les autres. 

Purusha de Jupiter: aimer développer la compétence, apprendre humblement, transmettre la voie, ne jamais s'arrêter. Prakriti: organiser la conquête du gratifiant, honneurs, biens, jouissance, et s'y tenir en sacrifiant le reste. 

Purusha de Vénus: sentir la supériorité du subtil sur le grossier et développer les modes de reliance harmonieux à l'autre, à la vie, au présent, au Divin. Jouir spirituellement des extases et des sensations. Prakriti: s'abandonner à l'emprise de la beauté, fuir toute forme de conflit, se réfugier dans l'idéal, jouer un personnage imaginaire qui jouit d'inventer des situations qui n'existent pas. 

Purusha de Mars: manifester la force de la vie dans son intégrité, entreprendre sans égoïsme, combattre pour la vie universelle, désirer pour l'amour, célébrer l'immanence par l'effort. Prakriti: désirer pour jouir, lutter pour défendre ses interêts exclusivement, générer des conflits, justifier la violence au nom de certains principes. 

Purusha de la lune: reconnaître la puissance de l'instant présent. Prakriti: se laisser entraîner par les émotions, les cultiver, justifier les plaintes, célébrer la douleur comme seul objet que l'on possède vraiment. 

Purusha de Mercure: relier le moi au Moi, et le moi au Tout. Prakriti: penser pour faire face à la réalité contingente et l'organiser par des réactions empiriques.

Cette liste permet d'appréhender le glissement à suggérer pour que toute personne conseillée prenne acte de la rectification à effectuer dans les secteurs qui s'imposent. Avant le fameux éveil, qui atteste que toutes les fonctions psychologiques ont retrouvé leur purusha, le chantier s'ouvre pour chacun, puisque, selon la logique du thème natal et du karma, les puissances du septénaire se manifesteront dans une certaine combinaison de prakriti et de purusha,  

que seul un retour sur soi permanent permettra d'évaluer, ce qui justifie l'intervention en suivi de l'astrothérapeute pour faciliter cette entreprise.